Louis Guédet
Vendredi 31 mars 1916
566ème et 564ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Très beau temps, vraie journée de printemps. Le calme. Journée occupée par une levée de scellés et un inventaire après le décès d’une dame veuve Destable-Lepage (Louise-Caroline Destable-Lepage (1825-1916)), 7, rue Buirette, pour le compte de Mt Jolivet. Trouvé 1200 Fr environ d’or et d’argent, et ensuite fait venir un ouvrier de la Maison Fichet pour faire ouvrir le coffre-fort dont on ne retrouvait pas la clef… travail de 2 à 5h du soir, pour ouvrir le maudit coffre-fort qui était vide !!… Tête des héritiers et surtout de l’exécuteur testamentaire le fameux Lepage, ex-huissier, un honnête homme : foiré, lui qui croyait avoir une grosse récompense pour sa fonction !! Le « Diamant » sera plutôt maigre. Qu’on me pardonne l’expression ! Mais il faisait une vraie… Gueule !! Quant à moi, je me tordais… de voir sa déconvenue !! Bref, journée d’occupation pour rien.
Pas de nouvelles de mes aimés, pourvu qu’ils ne soient pas souffrants. J’ai des moments d’angoisses terribles. Ma vie journalière n’est qu’une vie de martyr. J’en arrive à vivre comme une loque, sans courage sans espoir. J’ai les bras cassés, et chaque fois que je songe à ma misérable vie mes bras tombent comme si on les avait brisés… !! – Sans espoir – sans avenir – sans ombre ni lueur de joie et de bonheur – de tranquillité – de me retrouver avec un foyer et tous les miens !! Rien ! Rien ! Rien !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Vendredi 31 – Nuit tranquille sauf gros coups de canon ou bombes par intervalles. 8 h. Bombes allemandes sifflantes, tirées sans doute sur les batteries repérées par les avions d’hier. + 1 ; ciel sans nuages. Via Crucis in cathedrali. Aéroplane français. Écrit à M. Barres. Commencé lecture des Humanistes (abbé Brémond).
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Alfred Wolff
Ma dernière journée de police avant mon départ pour Paris, je vais faire mes adieux au Central, mon collègue Barbier est mon banquier et me facilite mon départ du lendemain. Les troupes nombreuses sillonnent la ville, les aéros survolent dans l’air ensoleillé. Le génie en kaki et casque de même teinte passe et repasse au moment des relèves. Il est 8 heures, de gros obus-torpilles tombent vers St Marceaux, les Boches repèrent nos casernements de fortune. Des compagnies entières de travailleurs pelle et pioche sur l’épaule se dirigent vers Laon-faubourg de la rue Henri IV où j’en rencontre une. L’écho en ce moment répercute le bruit fait par les obus-torpilles tombant sur les tranchées. Pas pressé ce jour au bureau, c’est l’ennui, le poêle ronronne, le soleil brille toujours, la température froide est ferme – Les aéros Boches veulent survoler, la canonnade les fait rentrer en leurs lignes. Il est 9h34.
Du 3 septembre 1914 au 20 décembre 1916, Alfred Wolff, maître-tailleur spécialisé dans l'habillement militaire, raconte son parcours et ses journées en tant qu'agent auxiliaire de la police municipale. Affecté au commissariat du 2ème arrondissement (Cérès), il se retrouve planton-cycliste et auxiliaire au secrétariat. Il quitte Reims le 25 octobre 1914 pour Chatelaudren (Côtes du Nord), mais reprend son service à Reims le 6 novembre 1915.
Source : Archives Municipales et Communautaires de la Ville de Reims
Vendredi 31 mars
Au sud de la Somme, nous bombardons les gares de ravitaillement de Puzeaux et de Hallu (Chaulnes). Nos canons ont abattu un avion près de Nouvion : les passagers ont péri. Au nord de l’Aisne (plateau de Vauclerc) nos batteries ont provoqué une forte explosion. En Champagne, nous abattons un taube (Ste-Marie-à-Py). En Argonne, nous bombardons le bois de Malancourt. L’ennemi n’a point progressé dans le village de ce nom. Il a renouvelé en vain ses attaques et laissé des monceaux de cadavres devant la partie du bois d’Avocourt que nous avons occupée. A l’est de la Meuse, les Allemands ont dirigé une violente attaque avec jets de liquides enflammés sur nos positions aux abords du fort de Douaumont. Ils ont été repoussés. Une seconde offensive, qui leur a coûté de grosses pertes, n’a pas eu plus de succés. Bombardement en Woëwre. Notre tir disperse une forte reconnaissance près de Wissembach, dans les Vosges. Nous avons abattu un fokker en Champagne (Dontrieu) et cinq avions près de Verdun. Le général Chouvaïef remplace le général Polivanof au ministère russe de la guerre.
Source : La Grande Guerre au jour le jour
Source de la photographie : http://www.donhollway.com/immelmann/