Cardinal Luçon
Jeudi 9 – Nuit tranquille, sauf fréquents coups de fusil. Température : 0. Beau temps. Combat au loin, mais pas très loin. Aéroplane laisse tomber une bombe. Visite au Fourneau de la rue Féry. Neige abondante. Visite de l’abbé Geysel qui sait l’allemand, et capte parfois des conversations allemandes par téléphone sans fil (radio télégraphie).
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Juliette Breyer
Jeudi 9 Mars 1916. Je me suis décidée cet après-midi à aller en ville. Quand il a fallu que je fasse ma demande, le mot ‘tué’ ne voulait pas sortir de ma bouche. Il a fallu que j’attende trois quarts d’heure que l’on me fasse les papiers nécessaires et là, assise sur le banc, j’ai repassé dans ma tête toute notre vie. Pauvre Lou, j’ai toujours cette idée que j’aurais pu te rendre plus heureux ; j’ai été méchante quelque fois sans m’en rendre compte mais je t’aimais pourtant.
Enfin les pièces en main, je suis repartie. La neige s’est mise à tomber, il faisait froid. Je me suis rappelée comme tu étais frileux. Je te revoyais quand nous revenions de travailler le soir ; je mettais notre petite table contre la cuisinière et tu te trouvais si content. Et aujourd’hui si tu existes encore, n’as-tu pas à endurer le froid terrible ? Pauvre Lou, je me trouve malheureuse, mais qu’est-ce par rapport à toi !
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
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Jeudi 9 mars
Au nord de l’Aisne, nous avons opéré des tirs de destruction sur les ouvrages ennemis du plateau de Craonne et des environs de Pasly (nord de Soissons). En Argonne, nous avons exécuté des concentrations de feux sur les organisations allemandes de la Haute-Chevauchée et du bois de Cheppy. A l’ouest de la Meuse, l’ennemi a tenté de nouveau de progresser à la faveur d’un intense bombardement. Nous avons repoussé une attaque à gros effectifs sur nos positions de Béthincourt. Une contre-attaque nous a permis de reprendre la plus grande partie du bois des Corbeaux. A la droite de la Meuse, nous avons brisé des assauts ennemis à l’est du fort de Douaumont. Toutefois, nous avons reperdu la redoute d’Hardaumont, que nous avions réoccupée. Lutte d’artillerie très vive en Woëvre. Nos batteries des Côtes de Meuse sont très actives. En Haute-Alsace (est de Seppois), nous reprenons quelques éléments de tranchées perdus à Fresnes. 16 de nos avions ont lancé 124 obus sur la gare de Metz-Sablons où se trouvaient plusieurs trains. Les projectiles ont porté. La Chambre des représentants de Washington a confirmé, à une majorité de 1oo voix, le vote favorable au président Wilson et hostile à l’Allemagne qu’avait rendu déjà le Sénat. Il est avéré que l’ambassadeur Bernstorff avait essayé de séduire des hommes politiques de l’Union. Le président du Conseil italien, M. Salandra, a obtenu un vote de confiance à la Chambre, à une immense majorité.
Source : La Grande Guerre au jour le jour