ob_dd8317_amicarte51-100Le Dimanche 13 février 1916
Ma bien chère Jeannette, bien chère Maman.
Aujourd’hui, pas de lettre de ma petite femme chérie; mais en revanche une mignonne carte accompagnée d’une charmante lettre de Germaine.
Je t’envoie ci-joint les deux; mais il ne faudrait pas que Germaine se formalise, la pauvre enfant, si je te renvoie la carte.
C’est dans le but de pouvoir la conserver, car sur moi, avec tous les papiers et tous les carnets que je suis obligé de conserver dans une poche, dans un autre, tous ces petits souvenirs risqueraient fort de s’égarer.
Le temps qui s’était mis au froid vif ce matin a subitement changé et maintenant, nous voilà revenu à la pluie fine et persistante qui provoque l’humidité et nous procure dans les boyaux et les tranchées, de la boue
en quantité.

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Même si cette carte est bien rémoise, on ne peut pas du tout être certain qu’elle a été envoyée de notre région. La photo nous montre une patrouille allemande, au pas de parade, rue Cérès, pendant la courte occupation « boche » de septembre 1914, le courrier a été écrit un an et demi plus tard.

C’est encore une carte de l’éditeur Georges Dubois, vraiment très prolifique tout le long de cette période de grand trouble. Un éditeur-photographe qui se distingue souvent par la qualité de ses cadrages, nous proposant des vues très originales et soignées, même si quelques fois la qualité de la phototypie reste perfectible, mais ne l’oublions pas, il faut faire face à des tirages de masse… en temps de guerre !

Pour rappel, la cartoliste G. Dubois est parue dans le Bulletin n°13 de janvier 1992 d’AMICARTE51… hélas épuisé (mais nous pouvons fournir cette liste aux personnes intéressées). Il y a pour le moment des cartes répertoriées jusqu’au numéro 417 (+ des numéros Bis, et des cartes double-format).

Revenons maintenant au texte de cette carte qui, même s’il ne représente pas un intérêt capitale en ce qui concerne l’actualité guerrière, il évoque tout de même un aspect de la vie du poilu dont on ne parle pas souvent, et que j’oserais appeler : « l’entreposage de ses petites affaires ».

En effet, les tranchées ne sont pas une partie de plaisir, on est même bien loin du confort le plus spartiate soit-il. Alors, comment conserver ses effets personnels ? Quand on passe plusieurs semaines à demi-enterré, on ne peut bien évidemment pas se charger inutilement, il faut donc se contenter du strict nécessaire, des papiers les plus importants, on peut aussi imaginer quelques photos de ses proches, de quoi écrire les cartes, etc… tout ce qui peut tenir sans difficulté en poche, et qui aussi, ne présente pas trop de valeur en cas de perte ou de destruction.

Toujours est-il que notre bon père de famille est optimiste, puisqu’il renvoie « à la maison » la charmante carte écrite par Germaine, que l’on imagine être sa fille… afin de pouvoir la conserver une fois la guerre terminée, une fois rentré à la maison, sain et sauf, pour de bon.

On apprécie qu’il ait le moral ! C’est certainement très rassurant pour la famille… un espoir irremplaçable, qui permet de tenir bon, dans des conditions particulièrement difficiles. A la guerre et aux combats d’une barbarie ultime, il faut ajouter des conditions de vie éprouvantes, peut-on réellement s’imaginer rester des journées et des nuits entières, les pieds et les jambes dans la boue, le froid et l’humidité qui envahie chaque corps ?

C’est n’est hélas qu’un fragment de ce que les poilus ont dû endurer pendant ces effroyables années de guerre !

Pour en terminer avec cette carte postale, ci-dessous un montage avec une vue actuelle qui permet de mieux se repérer dans l’environnement de la Rue Cérès en 1914. La vue est prise en direction de la Place Royale, il est vrai que la topologie des lieux a bien changé, dans ce quartier du centre qui a énormément souffert des bombardements de l’ennemi.

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