Louis Guédet
Vendredi 13 août 1915
335ème et 333ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Du canon toute la nuit, qui a été pluvieuse et fraîche. J’ai reposé quand même. Ce matin temps couvert et devenant de plus en plus lourd et orageux au fur et à mesure que la journée s’avance et actuellement c’est de l’orage. Tous les jours des orages formés qui éclataient sur la ville et aux alentours comme si nous n’avions déjà pas assez du cataclysme de la Guerre. Fait des courses, écrit de nombreuses lettres. Je me fatigue beaucoup maintenant et à pareille heure je suis d’une tristesse extraordinaire, il en est ainsi chaque jour depuis quelques temps, ce m’est une vraie souffrance. Je suis si seul, si abandonné ! et malgré l’effort que je fais pour m’occuper je ne puis vaincre cette tristesse, cette angoisse. Mon Dieu quand donc enfin verrai-je la fin de cette épreuve ??
Malgré tout, si Reims n’est pas dégagé avant le 15 septembre, il me faudra quitter absolument mes ruines. Si j’y restais j’y mourrais de chagrin. Et puis ailleurs je pourrais avoir un clerc ou 2 et travailler utilement, et enfin je ne serais plus dans des ruines, dans l’eau, dans un tombeau. Mon Dieu ! aurai-je la force physique et même morale de passer encore un hiver sous le feu, séparé de tout et de tous. Exigez-vous encore de moi cette prolongation de martyr ?
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Nuit tranquille sauf quelques gros coups de canons et bombes peut-être, mais assez loin de nous. Matinée silencieuse sauf quelques coups de canons.
Petit orage vers 2 h. et 5 h. Visite aux Petites Sœurs des Pauvres, et à l’Orphelinat Rœderer pour renseignements, avec M. Compant.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 13 août
Canonnade autour de Souchez et de Neuville-en-Artois.
En Argonne, l’ennemi a attaqué deux fois nos tranchées près de Marie-Thérèse et de la Fontaine-aux-Charmes. Il a subi un échec complet. Nous avons, d’autre part, regagné une partie de l’élément de tranchée que nous avions perdu près de la route Binarville-Vienne-le-Château. Canonnade en Woëwre septentrionale, au bois Le Prêtre et dans les Vosges. Au Lingekopf, une attaque allemande a été repoussée.
Les Russes ont eu un avantage près de Riga, sur la rivière Eckau. A Schoeneberg, ils ont également repoussé l’ennemi. A Kovno, ils ont anéanti trois bataillons; ils offrent une résistance tenace de la Narew au Bug et arrêtent l’offensive de leurs adversaires près de Novo-Georgievsk. Ils ont encore un succès sur la Wieprz. Un combat se livre, très acharné, sur le Dinester, au confluent de la Stripa. Les critiques militaires envisagent l’éventualité d’une tentative allemande sur Petrograd.
Les contre-attaques autrichiennes ont été repoussées par les Italiens dans le Cadore et près de Plava. Nos alliés ont recueilli de nouveaux avantages dans le Carso.
Un sous-marin autrichien a été torpillé dans l’Adriatique par un sous-marin italien.
Un croiseur auxiliaire allemand, menacé par une flottille britannique, s’est fait sauter en mer du Nord.
Les alliés ont progressé à Gallipoli.
Source : La guerre au jour le jour