Paul Hess

À 16 h 1/2, un obus vient subitement éclater dans la rue Paulin-Paris, à hauteur de la rue Lesage. Ses éclats atteignent, de l’autre côté de cette dernière rue, six soldats, dont deux sont tués au coin le l’impasse où se trouve un magasin des Établissements économiques. Ils en sortaient et la gérante dudit magasin, Mme Ducellier, est en même temps grièvement blessée à la tête, alors qu’elle se trouvait encore à son comptoir.

La triste nouvelle et les détails du tragique événement, pour le quartier, me sont donnés par les témoins qui se sont portés aussitôt au secours des malheureuses victimes dans le voisinage immé­diat, lorsque je rentre place Amélie-Doublié, la journée terminée.

— À 17 heures, M. Raïssac vient au bureau de la comptabili­té, me prévenir que M. le maire me demande. Je me rends au cabinet de l’administration municipale et M. le Dr Langlet, seul à ce moment, me faisant asseoir auprès de lui, m’annonce ceci :

« L’administration du mont-de-piété, dans sa réunion du 26 juillet, prenant en considération ce que vous avez fait de­puis la guerre, a pris l’engagement de vous proposer en première ligne pour la direction, quand les circonstances per­mettront de penser à la reconstitution de l’établissement. »

Puis, me tendant la main, il ajoute avec un bon sourire, qu’il a plaisir à me faire part, lui-même, de cette nouvelle.

Si je suis très flatté de cet accueil de la part du maire, ma sur­prise est grande. En le remerciant comme il convient de l’amabilité qu’il a bien voulu me témoigner et de la confiance de l’administra­tion, je me retire heureux mais un peu soucieux en songeant immédiatement à l’importance de la charge à prendre dans des conditions exceptionnellement difficiles, envisagées et acceptées cependant, puisque j’avais été amené à faire acte de candidature d’une façon assez singulière.

Le 26, en effet, alors que j’ignorais totalement, depuis septembre 1914, les décisions prises ou à prendre par le conseil, un ad­ministrateur était venu me trouver à la « comptabilité », et, en quel­ques mots, m’avait dit à peu près ceci :

« Nous sommes en séance ; je viens vous demander si vous postuleriez l’emploi de Directeur ».

Ma réponse avait été :

« Certainement. – Mais, vous n’avez pas présenté de demande », m’avait-il ajouté.

Séance tenante, j’en avais formulé une sur un en-tête de la mairie, et la lui avais remise, sans même prendre le temps de lui déclarer que je ne savais pas que le poste fût devenu officiellement vacant et sans le retenir pour le questionner. Malgré mes états de services, semblable demande, rédigée au pied levé, me paraissait produite de manière assez aléatoire. Il était retourné auprès de ses collègues, réunis sous la présidence du maire et je venais d’apprendre ce qui en était résulté, sans que cela ne m’eût obligé à solliciter un appui, auprès de qui que ce soit.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

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Cardinal Luçon

Mercredi 28 – Nuit tranquille ; couché dans le corridor ; aéroplanes.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

 

Mercredi 28 juillet

Les Allemands ayant bombardé Furnes et Oost-Dunkerque, nous avons canonné, par représailles, les cantonnements allemands de Westende et de Middelkerke.
Cinq bombes lancées sur Dunkerque n’ont causé aucun dégât. Canonnade à Souchez, en Artois. Bombardement d’Arras et commencement d’incendie aussitôt éteint.
Deux attaques allemandes ont été enrayées dans l’Argonne, près du layon Binarville-La-Harazée. La canonnade a été violente.
Dans les Vosges, en dépit de plusieurs contre-attaques de l’ennemi, nous avons poussé nos avantages sur le Lingekopf, au-dessus de la vallée de la Fech et de la route des Trois-Epis. Nous avons capturé plusieurs officiers et plus d’une centaine d’hommes. L’artillerie allemande a bombardé le col de la Schlucht.
Sur le front russe, les Allemands ont été repoussés à proximité de Chlok, à 50 kilomètres à l’ouest de Riga. Ils ont échoué dans de nouvelles attaques sur la Narew tandis que les contingents qui avaient réussi à passer la rivière étaient refoulés vers l’embouchure. Ils ont également échoué davant Ivangorod et entre Bug et Wieprz.
L’infanterie italienne a progressé sur l’Isonzo infèrieur, où elle a fait 1600 prisonniers dont 30 offici
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Source : la guerre au jour le jour