Louis Guédet
Samedi 3 avril 1915 samedi saint
203ème et 201ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Nuit et journée de pluie presque battante. Ma pauvre maison ruinée ruisselle, on est comme une loc (une bâche pour nettoyer le sol en patois champenois). Quelle vie misérable ! J’ai ! Et rien, rien ne vient me consoler, me donner une lueur de consolation, d’espoir, de bonheur, de réussite, de confiance en l’avenir, rien, rien, rien… Je ne survivrai certainement pas à tout cela. C’est trop pour moi. Je ne pense plus. Et puis, à quoi bon ! survivre. Je n’ai rien qui puisse me rattacher à l’avenir, et l’avenir qui n’est pour moi que misère, tristesse et ruine, souffrances à ajouter aux souffrances. Rien, rien, rien.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Journée calme. Canonnade au loin.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Samedi saint 3 – Nuit relativement tranquille. Bombes. Combats ex utraque bellantium parte.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Et pendant ce temps là :
Bibliothèque numérique | Raymond Houdayer (20 juin 1883-3 avril 1915) · L’École nationale des chartes : portraits de combattants
Attaché comme mitrailleur télémétreur au 368e régiment d’infanterie, Raymond Houdayer rendait d’intelligents services aux troupes d’Argonne ; mais, tandis qu’il réparait sa mitrailleuse…
Samedi 3 avril
Journée calme sur presque tout le front. A Dompierre, près de Péronne, nous avons détruit à la mine plusieurs tranchées ennemies. A Bagatelle, en Argonne, nous avons arrêté net une tentative d’attaque. Des avions français et anglais ont jeté une trentaine de bombes sur le champ d’aviation de Handzaeme. Un avion allemand a été abattu dans nos lignes, à l’est de Soissons. Une escadrille de bombardement a jeté cinquante-trois obus sur les baraquements, les hangars et la gare de Vigneulles, en Woëvre. La plupart des objectifs ont porté. Nos avions ont été canonnés et quelques-uns ont subi des déchirures, mais aucun aviateur n’a été touché et tous sont rentrés sans accident.
Les troupes allemandes se retirent rapidement dans la région située à l’ouest du Niémen, où elles sont serrées de près par les Russes. Dans les Carpathes, nos alliés ont obtenu de nouveaux résultats. Ils ont escaladé des montagnes à pic, et où la neige était encore épaisse, et ont pris toute une série de hauteurs fortifiées, dans la chaîne des Beskides. En une seule journée, le 30 mars, ils ont capturé 80 officiers autrichiens, 5600 hommes, 4 canons et 14 mitrailleuses. Les bataillons autrichiens qui s’étaient avancés vers Chotine, en Bessarabie, ont été partiellement anéantis. Les survivants, soit 1500 hommes, ont été fait prisonniers. La piraterie allemande continue. Un vapeur norvégien et trois chalutiers anglais ont été torpillés par des sous-marins. On annonce qu’un accord aurait été conclu entre la Serbie et l’Italie au sujet de la répartition des régions riveraines de l’Adriatique. Un lieutenant-colonel russe, nommé Miassoyedoff, a été pendu pour haute trahison. La polémique continue dans la presse d’Athènes, entre M. Venizelos et le nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Zographos, au sujet de l’orientation diplomatique de la Grèce.
Source : La Grande Guerre au jour le jour