Paul Hess
Bombardement dans la même direction qu’hier. Des sapeurs du génie travaillent de ce côté, parait-il; ils ont dû être repérés par un aéroplane.
– Dans l’après-midi, la nouvelle parvient à l’hôtel de ville, qu’aux Dardanelles, au cours de l’attaque des forteresses du goulet, le 18, par les forces navales alliées, les cuirassés anglais Océan et l’Irrésistible ont coulé après avoir heurté une mine flottante. Notre cuirassé Le Bouvet aurait également coulé à la suite de l’explosion d’une mine et le Gaulois, autre unité de la marine française, avarié par la canonnade, aurait été mis hors de combat.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Samedi 20 – Nuit tranquille pour la ville. Bombes, coups de canon, coups de fusil de temps en temps. Bombes pendant la matinée.
Visite à l’Hôtel-Dieu de Saint-Remi avec M. Houlon, M. le Curé de Saint-Remi et M. Maitrehut. Aéroplanes
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Hortense Juliette Breyer
Samedi 20 Mars 1915.
Encore une nouvelle peine qui nous arrive. Aujourd’hui mon Charles, il faisait un temps superbe. Je suis partie avec la soeurette et j’ai passé la journée aux caves. Il était huit heures et demie. En partant j’ai été acheter une pipe à ton coco, une vraie. Il aime cela, vois-tu, il veut fumer comme pépère Breyer. Si tu voyais son air sérieux, un vrai fumeur de profession. Il tient le culot dans le creux de sa main, il est tordant. Je serais si heureuse si tu pouvais le voir. Je suis navrée, mon Charles, que tu ne sois pas là pour voir tous les progrès qu’il fait. Un vrai singe, comme dit ton parrain.
Il était heureux de voir Maï Blanche, comme il dit. Il l’aime bien, sa petite sœur ; il ne faut pas qu’un étranger l’approche. Il aura ta voix mon Charles. C’est peut-être une idée, mais cela me remue quand je l’entends causer. Il dit tout franchement, et n’oublie pas sa petite prière. Le soir il demande au petit Jésus de lui ramener son papa. C’est qu’il est fou de toi. Il lui faut toujours ta photographie mais comme elle est déjà bien abîmée, je lui ai mise dans un petit médaillon qu’il porte à son cou, avec la médaille que lui a donnée l’Abbé Grandjean, représentant Saint Benoît, patron contre les dangers de la guerre.
Jusqu’à trois heures de l’après-midi je ne me suis pas ennuyée. Mais alors il a fallu repartir, toujours sous le bombardement. Chez ton parrain une mauvaise surprise m’attendait. Figure toi que ton papa était venu et pendant qu’il était chez Mémère, le commissaire central est venu le demander et c’est navrant. A ce qu’il paraît, on avait envoyé une lettre anonyme au commissaire, disant que ton papa avait dit dans un café qu’un observateur était caché dans la cheminée des Anglais et on venait le prévenir qu’il se tienne à la disposition, qu’on allait faire une enquête, vu sa nationalité d’autrefois.
C’est méchant. J’étais en colère de ne pas m’être trouvée là ; ce que je lui aurais dit au commissaire : il ne suffit donc pas d’avoir des enfants qui font grandement leur devoir pour la patrie, il faut que le père soit soupçonné. Je n’ai fait qu’un bond jusque chez vous pour les consoler et j’ai donné la lettre que j’ai reçu du lieutenant à ton papa pour qu’il puise faire voir comme tu t‘es conduit glorieusement.
Je vois que nous aurons tous les malheurs, mais j’en supporterais encore le double pourvu que tu reviennes. Mais les jours passent et toujours rien. Pauvre Lou, que penser ?
Je t’aime.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Un site à voir : Bataille des Dardanelles
La bataille des Dardanelles. Lors d’un voyage touristique effectué en Turquie, en septembre 2007, il a été découvert au hasard d’une promenade sur la côte orient…
photo site : Mil Guerres
Samedi 20 mars
A Notre-Dame-de-Lorette, nous avons consolidé nos positions en prenant les boyaux de communication des tranchées conquises par nous. Notre progression dans l’Argonne, entre Bolante et le Four-de-Paris, a été d’environ 150 mètres. Une attaque ennemie a été repoussée près de Mesnil; une autre, à Consenvoye, sur la Meuse; trois autres aux Eparges (côtes de Meuse) où nous avons pris le saillant est de l’ancienne position allemande.
Les Russes, après avoir repoussé les armées allemandes, ont pénétré à nouveau sur le territoire prussien du côté de Memel. Hindenburg est forcé de lever le siège d’Ossowietz.
Toute l’escadre franco-anglaise est entrée en ligne dans les Dardanelles, dont elle a bombardé avec succès les principaux forts, jusqu’à celui du Chanak. Des résultats ont été obtenus, mais les alliés ont éprouvé des pertes pénibles. Le Bouvet a été coulé à la suite de l’explosion d’une mine; le Gaulois a été mis hors de combat momentanément. Deux cuirassés anglais ont sauté sur des mines.
Les opérations vont continuer : le Henri-IV, qui se trouvait sur la côte de Syrie, a reçu l’ordre de venir remplacer le Bouvet.
Trois navires anglais ont été torpillés sur le littoral britannique par des sous-marins allemands. Par ailleurs, le blocus naval franco-anglais, réglementé par les derniers décrets, a commencé à s’exercer.
Source : La Grande Guerre au jour lejour