Louis Guédét
Mardi 23 mars 1915
192ème et 190ème jours de bataille et de bombardement
A 1h1/2 ma première audience de simple police, une soixantaine d’affaires, le tout est terminé à 2h3/4.
Reçu réponse de ma compagnie d’assurances des minutes. Je toucherai mais pas tout, faute de fonds et cette compagnie la Mutuelle du Mans avec le comité des notaires s’occupe de me faire payer la différence par l’État.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Nuit tranquille. 9 h, canonnades dans la matinée
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Hortense Juliette Breyer
Mardi 23 ( ?) Mars 1915.
6 mois aujourd’hui mon Charles que tu as été blessé. Pense donc que c’est long, et toujours pas de nouvelles ; 6 mois de souffrances et je me demande quand est-ce que cela finira. On serait si heureux … Si tu voyais mon Charles, tu as une petite fille à croquer, un petit ange. Elle pousse à ravir. Elle pesait à peine 4 livres et maintenant elle en pèse 10. Elle commence à rire et tu n’es pas là, pauvre chipot, pour voir ses progrès. Pense qu’elle fait ses nuits complètes de huit heures à huit heures, le tour du cadran et elle ne se réveille qu’une fois. Nous avons deux bons petits, tu sais.
Si seulement tu étais près de nous. Quelle triste vie que la mienne. Je ne peux pas croire que tu me manqueras et j’ai tellement idée du contraire que si jamais je venais à en avoir la certitude, je ne sais pas ce que je ferais. Mais je veux toujours espérer. Je t’aime mon Charles et quelle belle vie je te ferais. Mais je te quitte, je vais aller me coucher et je demanderai au bon dieu que me rêves soient remplis de toi.
Je t’aime. Tout mon cœur à toi. Juliette.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
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Nous avons repris toutes les tranchées de Notre-Dame-de-Lorette. A la Boisselle, la guerre de mines nous a valu un avantage. Reims a reçu cinquante obus. Dans l’Argonne, nous avons enlevé d’assaut une tranchée et repoussé plusieurs attaques en infligeant de grosses pertes à l’ennemi. Aux Eparges, l’ennemi a contre-attaqué cinq fois, mais son échec a été complet. Nous réalisons des progrès au nord-de Badonviller.
On signale un certain nombre d’exploits de nos aviateurs qui ont jeté des bombes sur des casernes et des gares occupées par les Allemands, spécialement à Conflans-Jarny et à Fribourg-en-Brisgau.
La grande forteresse de Przemysl qui commande les routes de Cracovie et de la Hongrie, a capitulé entre les mains des Russes. Elle était assiégée depuis sept mois. L’enthousiasme est très accentué à Petrograd.
Des zeppelins se sont approchés de Paris, mais ont dû rebrousser chemin.
D’après les dépêches de source anglaise, les dommages causés aux forts turcs par la flotte alliée dans les Dardanelles ont été très considérables. L’amiral britannique de Robeck a rendu hommage au rôle joué par l’escadre française.