Abbé Remi Thinot
28 NOVEMBRE – samedi –
Minuit 1/4 ; J’ai été réveillé il y a une heure par des éclatements très rapprochés. Je suis sorti le feu prenait chez Balourdet. II était ardent déjà boulevard de la Paix. Enfin, les pompiers arrivent. Ces braves gens sont très exposés… On emmène une grand-mère impotente, un peu de mobilier. Les bombes passent ; on entasse les pauvres restes dans la pauvre cave. Heureusement, les pompiers arrivent à dominer le fléau.
Nous rentrons chez nous, M. le Curé et moi. Les obus claquent à proximité. Je suis à cette table quand il vient d’en tomber un chez Mme Pommery très probablement.
Ce qui reste à Reims en fait de gens est dans les caves ; les dégâts seront purement matériels mais les sifflements des obus pendant que l’incendie fait rage, apporte une particulière impression de la sauvagerie de ceux qui viennent déjà d’allumer l’incendie…
Je vais me reposer dans le fauteuil
1 heure du matin ; La séance continue ; pas moyen de dormir. Il est absolument authentique que les Russes ont infligé une grave défaite aux allemands…
Serait-ce la raison des bombardements de tous ces Jours-ci ?
Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.
Louis Guédet
Samedi 28 novembre 1914
77ème et 75ème jours de bataille et de bombardement
9h matin On a bombardé toute la nuit. Ce matin calme. Le calme des journées m’inquiète. Pourvu que les allemands ne fassent pas leurs derniers efforts sur Reims. Nous sommes déjà assez misérables comme cela. Mon Dieu quand cela finira-t-il ? je ne puis cependant croire que vous nous laisserez ainsi mourir de tourment, de misère si longtemps. Seigneur, délivrez-nous tout de suite !
6h soir Je viens de passer, de 2h1/2 à 5h1/2 à la Clinique Mencière pour l’inventaire de tout le pauvre et sanglant mobilier de Maurice Mareschal. Vêtements, objets personnels, argent, cantine, etc… Quel calvaire. Quel martyr pour moi. Je suis anéanti. Je n’en puis plus. Mon Dieu, protégez-moi, sauvez-moi ! sauvez ma maison, tout. Que je revoie bientôt mes chers adorés et mon Père.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Bombardement au cours de la nuit. Nous devons nous relever deux fois, car les obus tombent de nouveau dans le quartier du Jard. Vers 1 h du matin, il en arrive un entre autres, qui éclate en face, à peu de distance de notre domicile actuel et le bruit sinistre, que nous connaissons bien, d’une maison qui s’est aussitôt effondrée, nous a mis en émoi.
Sur le matin, nous regagnons les chambres fatigués et, après nous être recouchés pour la seconde fois, nous commençons à sommeiller quand nous sommes encore réveillés par le cris : Au feu ! Il est environ 5 h. Des obus incendiaires ont explosé dans le chantier de bois Dravigny, au coin de la rue du Jard et de la chaussée du Port. Les pompiers occupés à la ferme Demaison, rue de Beine, en feu également et à la maison de commerce de tissus Duval, Hayem & Cie, rue d’Anjou (anciennement maison Soussillon) qui commence aussi à brûler, ne peuvent venir qu’à 6 h 1/2 ; heureusement, ils doivent tout de même combattre le foyer qui s’est bien développé.
Le bombardement a fait encore des victimes. un ouvrier tournant à bras la machine pour l’impression du journal L’Éclaireur, a été tué, paraît-il pendant son travail.
– Après toutes ces longues journées d’angoisses et cette terrible nuit, ma femme consent à me laisser demander un laissez-passer devant lui permettre de quitter Reims et de se diriger avec les enfants à Épernay, où nous avons des parents. Dès mon arrivée à l’hôtel de ville, je fais aussitôt le nécessaire auprès de M. Bochard, faisant fonctions de secrétaire du commissaire central.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Samedi 28 – Bombes la nuit, jusqu’à 5 h. Visite à la Cathédrale. Traces d’obus. Chute de l’enduit de plâtre en plusieurs -2- endroits. Éclats d’obus sur l’autel Saint-Nicaise, datant de quelques jours.
A 2 h, Absoute aux victimes du jeudi 16 + trois mortes des suites de leurs blessures, à S. Marcoul. Nuit très tranquille.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Eugène Chausson
28 – Samedi – Matinée calme à part quelques coups de canon des nôtres. C’est tout jusqu’à midi. Après-midi et nuit dans le calme absolu, on a pu dormir tranquille !
Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918
Voir ce beau carnet visible sur le site de petite-fille Marie-Lise Rochoy