Paul Hess

Nuit médiocre. Hier soir, à 10 h 1/2, un obus est revenu éclater rue des Capucins 25 et à 4 h, ce matin, les sifflements recommençaient à se faire entendre.

– Des dégâts causés ces jours derniers se constatent autour du musée, rue Chanzy. Au théâtre, un nouveau trou, énorme, a été fait par un gros calibre, qui a dû éclater à l’intérieur. En face le Palais de Justice, une maison a été fort éprouvée, à l’arrière.

– Dès le matin, les détonations régulières de nos grosses pièces se font entendre, comme la veille et cela donne à penser que les effets de leurs coups, lorsqu’ils portent sur les objectifs, doivent aussi être terribles.

Depuis près de deux mois et demi que dure le duel auprès de Reims et sans doute ailleurs, sur le front, quelle consommation de munitions ont dû faire les deux artilleries !

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

CPA : collection Bosco Djoukanovitch
CPA : collection Bosco Djoukanovitch


Cardinal Luçon

Samedi 21 – A 4 h matin, bombes sur la ville. Canonnade. Bombes de temps en temps en ville.

M. le Curé de St-André me dit que le samedi (7 ou 14 ?) il a compté 57 bombes tombées en une heure, de 9 h à 10 h soir dans le quartier de St-André. Il m’apporte des nouvelles de M. Porcau.

Visite de l’abbé Vaucher, nommé sous-lieutenant sur le champ de bataille, avec M. Mandron.

Visite de M. Claude Garnier, neveu de M. le Curé de St-Sulpice ; est à l’État-major de Jonchery, qui m’offre de faire passer à Paris mes lettres ou envois.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Paul Dupuy

La journée d’hier se serait passée sans fait notoire si dans ses dernières heures une courte, mais vive alerte, ne nous avait révolutionnés.

À 22H10, en effet, 2 bombes passent à une seconde d’intervalle au-dessus de nous pour aller tomber sur le théâtre et devant le Palais de Justice.

Je me lève en vitesse pour inspecter nos environs qui n’accusent rien d’alarmant ; Père reste donc au lit, et peu après je m’y remets aussi.

À 4 heures, même vive secousse et les deux projectiles vont rue des Capucins, devant le Commissariat de police du 1er Canton, et rue Chanzy, devant l’ancien Grand séminaire ; nous ne bougeons pas, et nous avons raison puisque tout s’arrête là.

Plusieurs fois dans la journée, le même fait se reproduit, mais dans des directions plus éloignées, et c’est ainsi entraînés qu’à 20H30 nous arrivons à l’obus final, qui vient anéantir les immeubles Bellevoye et Gomet (nos voisins), en brisant la plupart de nos vitres.

Nous étions tranquilles en cuisine, lisant ou écrivant, et n’ayant rien entendu du sifflement précurseur, aussi la formidable détonation nous a-t-elle fortement émus, et c’est en toute hâte que nous nous précipitons au dehors.

La cour est remplie d’une fumée âcre et suffocante qui nous arrête un instant ; puis trouvant la loge du concierge sans lumière, j’appelle anxieusement Hénin que je crains blessé. Heureusement, il n’en est rien et c’est tout placidement que, sortant du sous-sol de l’emballage, où avec les siens il était allé préparer l’installation de nuit, il répond à mes cris : n’ayant perçu qu’une détonation atténuée, il ne se doutait pas du désastre d’à côté.

Avec lui, nous sortons enfin, et éclairés de nos seules lampes Pigeon nous aidons 3 voisins, déjà sur les lieux, dans le sauvetage des habitants pris dans les décombres ; c’est ainsi qu’en sont tirés indemnes Mr et Mme Bellevoye et les gardiens de chez Gomet avec un bébé qui ne s’est même pas réveillé.

Paul Dupuy - Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires

Fin du journal de Paul Dupuy

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Eugène Chausson

21/11 – Samedi – Beau temps, forte gelée. Continuation de la canonnade et comme toujours, les grands canons font rage, on se croirait au jugement dernier comme dit hier, il en fut ainsi toute le journée. La nuit fut assez tranquille à part quelques coups de canon de temps en temps

Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918