Abbé Rémi Thinot
14 OCTOBRE ; mercredi –
6 heures matin ; La pluie tombe ; c’est la première pluie un peu sérieuse depuis l’incendie, fît le temps paraît sérieusement détraqué. Le ciel est tout embarbouillé. Que va-t-il advenir de notre cathédrale ? La nuit a été très calme.
On affirme qu’un mouvement en avant assez sérieux aurait été réalisé cette nuit du côté du fort de Brimont. Du coté de St. Léonard, on aurait pris 5 grosses pièces aux allemands. Le …ème, qui a beaucoup donné, est très décimé.
Le canon français a bien donné cet après-midi, et ce soir, il pleut, il pleut, hélas !… Et notre cathédrale ! J’y suis allé, fin de cette matinée, pour relever la photographie des dégâts de lundi.
J’ai trouvé sous un des plombs crevés par la chute des maçonneries la fusée de l’obus, un percutant de Mol0”.
Poirier, qui a déjeuné chez moi avec sa femme, m’a raconté ce mot pittoresque de Mme Martin, la cuisinière de Mme Pommery, à Stanford lui amenant un convive inattendu ; « Ah ! que le diable vous c… une pièce de trente sous ; vous m’em… à la fin de toujours amener quelqu’un au dernier moment sans prévenir »
Sévère, mais juste, paraît-il !
A noter que le nettoyage de la cathédrale, commencé lundi, a été terminé ce soir. Je parle de l’intérieur, du pavé uniquement. Une bande d’ouvriers députés par la Ville, est arrivée avec des balais, des brouettes, des seaux. On a transporté les lustres, malheureusement déjà très dégradés par les visiteurs, dans la deuxième sacristie (crypte).
Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.
Paul Hess
L’Éclaireur d’aujourd’hui publie un avertissement, émanant très probablement de la mairie, qui vient assez à propos. Il concerne la question importante du ravitaillement de la population civile et vise les agissements de certains commerçants. Voici ce texte :
Les approvisionnements à Reims. Différentes communications nous ont été transmises pour nous signaler, soit des difficultés d’approvisionnement, soit encore des abus de la part de certains commerçants qui rançonnent les acheteurs.
On sait que depuis l’occupation allemande, la municipalité de Reims a eu pour principal souci de veiller à l’approvisionnement aussi régulier que possible de la ville. On conçoit que cela n’a pas toujours été une chose aisée.
Depuis la réoccupation de la ville par les armées françaises, le service de ravitaillement a été facilité.
Les moyens de transport sont encore très réduits quoique le chemin de fer de banlieue soit maintenant d’un concours très efficace.
Des laissez-passer spéciaux ont été délivrés à des commerçants rémois, leur permettant de se rendre soit dans les environs, soit à Paris, pour obtenir des compagnies de chemin de fer, le matériel nécessaire à ramener les denrées d’approvisionnement à Reims.
De cette façon, la population peut trouver en quantité à peu près suffisante les marchandises nécessaires à son alimentation.
Nous savons que la municipalité s’est entourée de certaines précautions pour prévenir la spéculation sur les marchandises ainsi mises en vente.
Il est bon d’ajouter que les achats se font à un cours à près normal. Le prix des denrées doit donc reste sensiblement le même qu’auparavant.
Il serait tout à fait scandaleux que des commerçants abusent de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons pour spéculer odieusement sur le prix des denrées.
Aussi, la municipalité interviendra-t-elle énergiquement chaque fois que des abus lui seront signalés. Elle retirerait immédiatement aux commerçants les permis qui leur ont été délivrés dans un but d’intérêt public d’approvisionnement.
Nous le répétons, le cours des denrées doit être sensiblement le même que précédemment ; l’alimentation de la ville doit se faire, de plus en plus, dans des conditions normales. Tans pis pour ceux qui soigneraient trop leur intérêt particulier au préjudice de l’intérêt général, vers lequel doivent tendre tous les efforts des autorités municipales.
– On lit encore, dans le même journal, ceci :
Avis aux propriétaires sinistrés. La municipalité met des bâches à la disposition des propriétaires sinistrés. Ces bâches leur sont allouées au prix de 0.18 f par mètre carré et par mois. S’adresser rue des Augustins 20.
– Dans Le Courrier, nous voyons cette information :
Conseil des Ministres. M. Malvy a informé le Conseil qu’il a fait établir des notices individuelles, concernant toutes les personnes réfugiées dans certains départements français. Le classement de ces notices, dont le nombre atteint environ un million, est aujourd’hui à peu près terminé. Des listes sont dressées pour la Belgique et pour chaque département d’origine ; elles seront incessamment publiées.
– et, sous le titre : Dans Reims, cette chronique locale :
Parmi les réclamations que l’on recueille, au cours du chemin, une domine : « Quand nous rendra-t-on le gaz et l’électricité ? ».
Certains quartiers jouissent encore de l’électricité, mais tous sont privés de gaz qui rend tant de services.
Puis, à nouveau, une longue lettre « à propos de la reconstruction des quartiers, incendiés et démolis », du correspondant ayant signé « un lecteur assidu », qui voit, dit-il, avec grand plaisir que l’on a commencé à commenter son projet.
– Au cours d’une courte promenade faite avant de rentrer au bureau, j’ai salué, boulevard de la République, verfs13 h ½ la dépouille d’un soldat conduite au cimetière. Bien triste enterrement, où le plus simple corbillard, orné uniquement de drapeaux aux coins et précédé par le prêtre, était suivi seulement des quatre porteurs des Pompes funèbres. Il était visible que toutes les personnes qui croisaient ce pauvre convoi, éprouvaient une très pénible impression.
– La matinée de ce jour a été calme.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
dossiers d’histoire – Haute Cour de Justice sous la IIIe République – Sénat
Cardinal Luçon
Bombes. Terreur de la population, 60 000 personnes (1) quittent Reims par le CBR.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
(1) Ce chiffre doit recouvrir la totalité des habitants qui ont quitté Reims depuis le début de la guerre (?)
Paul Dupuy
14 8bre Se passe paisiblement : il est de même du 15 8bre qui aurait été une des moins mauvaises journées du mois si une ardente bataille n’avait commencé à 20H pour se dérouler pendant 5H. C’est aux portes mêmes de la ville que la lutte s’est engagée (directions Vitry, Cernay et Bétheny) les Allemands voulant forcer l’entrée.
Nos mitrailleuses et nos fusils surent les arrêter, et c’est en laissant de nombreux morts sur le terrain qu’ils durent se retirer.
Hier, étaient enfin arrivées, en date du 12, des nouvelles d’Épernay donnant l’adresse de toute la caravane ; en commun, on est installé chez M. Janer, 7 rue du Pont-Neuf. Et c’est seulement le 15 qu’est distribuée la lettre du 9 relatant les détails du voyage, qui s’est effectué pour tous dans de bonnes conditions mais avec assez de fatigues.
M’est remise aussi une missive d’Hélène, du 11, disant que tout va bien à Auxerre.
Paul Dupuy. Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.
Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires
Mercredi 14 octobre
Un corps d’armée allemand a occupé Lille qui n’était défendu que par un détachement territorial.
Nous avons progressé notablement entre Albert et Arras, comme dans la région de Berry-au-Bac, à Souain, à l’est de Reims, dans l’Argonne et sur les Hauts-de-Meuse.
Un sous-marin allemand a coulé, dans la Baltique, le croiseur Pallada, une unité russe qui remontait à 1906, et qui jaugeait 7.000 tonnes.
Le choc s’accentue entre Russes et Austro-Allemands sur la moyenne Vistule, entre Varsovie et Ivangorod.
Le prince Oleg, fils du grand-duc Constantin, qui avait été blessé sur les champs de bataille de la Prusse orientale, a succombé à ses blessures.
Les Monténégrins ont infligé un sanglant échec aux Autrichiens, près de Sarajevo. De concert avec les Serbes, ils assiègent Raguse.
Le gouvernement belge est arrivé au Havre où il s’installe provisoirement. A la suite de ses négociations avec le gouvernement français, qui l’a accueilli chaleureusement, il a obtenu toutes facilités pour l’organisation de ses services.
Source : La Grande Guerre au jour le jour