Abbé Rémi Thinot
18 OCTOBRE – dimanche –
10 heures 1/2 soir ; Vu l’Abbé Heintz ; il est toujours vaillant et plein de belle humeur et d’entrain.
Il a été de service plusieurs fois à ce téléphone établi sur un courant induit des ennemis – qui avaient établi le leur trop à proximité d’une canalisation téléphonique arrivant à la ville. C’était au passage à niveau de la route de Witry. Ils ont entendu bien des choses-là, appris les heures de relève pour les tranchées, l’annonce d’une attaque – elle n’a pas eu lieu parce qu’ils ont entendu un mouvement de troupes – de nuit, entendu les plaintes par rapport au manque de munitions – alors que les Français en ont « terriblement beaucoup » pour leur « 75 »
Je pars pour Paris demain matin, puis Abondance si je puis. Albert Lartilleux est tout à fait à la mort.
Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.
Louis Guédet
Dimanche 18 octobre 1914
37ème et 35ème jours de bataille et de bombardement
11h matin Nuit tranquille, matinée de même. Reçu lettre de Henri Chamoy (à vérifier) qui me demande des nouvelles. Je verrai ce soir son beau-père M. Boullaire.
Reçu une lettre du 14 de Robert m’annonçant qu’il est à Paris, et qu’il passe son bachot le 15 et le 17.
La demi-page suivante a été découpée, les deux premières lignes de la page suivante rayées.
6h soir Après-midi longue, fastidieuse et triste. Été voir Mareschal pour lui demander de venir déjeuner avec moi et l’abbé Andrieux.
Tous disent que nous progressons, mais les allemands sont toujours là devant nous, et nous sommes toujours sous leurs canons. Ils n’ont qu’à le vouloir pour nous assassiner !! Quelle vie ! Quelles tortures !! Nous avons enfin Brimont et nous sommes à Mazagran, le manoir de Gard (à vérifier) sur la route de la Bertonnerie à Beine, au-dessus de Courcelles, et… c’est tout ! Si cela continue je crois que je tomberai.
8h10 soir Voilà le canon qui se remet à tonner tout près, bien près, que nous réserve cette nuit, c’est à devenir fou !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Le maire a pris un arrêté relatif à la vente et à la criée des viandes et comestibles, que Le Courrier publie ce matin.
L’article 5 de cet arrêté dit :
Art. 5 – les prix des différentes catégories des viandes de boucherie, ne devront pas dépasser les taux ci-après :
- A – Boucherie
- 1er catégorie : 2 F le kilo
- 2e catégorie : 1.80 F le kilo
- 3e catégorie : 1.50 F le kilo
- 4e catégorie : cœur, et foie ; 1.20 F le kilo
- Tête sans mâchoires et dents : 0.80 F le kilo
- Os seuls : 0.50 F le kilo
Des arrêtés spécieux modifieront ces cours, s’il y a lieu, en temps opportun.
- B – Charcuterie
- Viande avec os : 2.40 F le kilo
- Filet et viande désossée : 2.80 F le kilo
- Lard maigre : 2.60 F le kilo
- Panne, lard gras et saindoux : 2.80 F le kilo
et l’article 6 :
Art. 6 – Les cours des différentes autres marchandises non prévues par le présent arrêté, seront fixés par les préposé municipal après entente avec les vendeurs intéressés, au moment de la vente et annoncés au public par affiche.
– Nous lisons aussi, ce jour, la relation d’une cérémonie religieuse qui eut lieu hier, en l’église Saint-Geneviève, sous la présidence de S.E. le Cardinal Luçon.
A sainte Geneviève
Hier matin, en l’église Sainte-Geneviève, parée des couleurs nationales, ont été dites des prière publiques pour la France et la ville de Reims.
ombreuse était l’assistance, composée de prêtres et de fidèles au nombre desquels se trouvaient des soldats blessés et des infirmiers.
Son Éminence le Cardinal a célébré la messe et adressé à toute cette grande assemblée des paroles de consolation et de réconfort. « J’aurais voulu, ajoute Monseigneur, être au milieu de vous pendant ces terribles journées pour partager vos angoisses, et je suis revenu pour pleurer sur les ruines ! »
Son 2minence invite l’assistance à demander à Dieu de protéger notre armée et de lui donner la victoire et à prier pour la guérison de blessés, pour tant de familles, frappées dans leurs plus chères affections.
Et nos morts tombés au champ d’honneur, quel devoir pour tous de prier pour eux ! Aussi, la pieuse assemblée s’unit-elle de cœur au De profundis chanté à cette intention.
-Au ours d’une promenade faite en famille, vers le quartier Sainte-Anne, l’après-midi de ce dimanche, nous avons vu défiler les 208e et 273e d’infanterie. Ces deux régiments, venant de la rue de Courlancy, prenaient la route de Louvois.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Dimanche 18 – Nuit tranquille en ville, fusillades ou mitraille au loin, canonnades vers 4 h. du matin
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Le est un régiment d’infanterie constitué en 1914. Il est issu du régiment d’infanterie : à la mobilisation, chaque régiment d’active créé un régiment de réserve dont le numéro…
Le est un régiment d’infanterie constitué en 1914. Il est issu du 73e Régiment d’Infanterie : à la mobilisation, chaque régiment d’active créé un régiment de réserve dont le numéro…
Octave Forsant
18 octobre 1914. — Aujourd’hui dimanche, comme presque chaque jour depuis un mois, les Allemands arrosent la ville. Du plateau de Bezannes, où nous sommes venus comme d’ordinaire passer l’après-midi, on a l’impression que « ça tombe » sur le faubourg de Laon. — Ah ! ce plateau de Bezannes ! Ce qu’il fut fréquenté en septembre, octobre et novembre 1914! — Situé au Sud-Ouest de la ville, il la domine légèrement et permet d’en découvrir à peu près tous les quartiers. Ajoutez à cela qu’il est tout à côté du faubourg de Paris où, depuis le furieux bombardement du 19 septembre, s’est réfugiée une grande partie de la population qui, candidement, s’y croit à l’abri des canons ennemis. Et comme cette population, attendant chaque jour la délivrance espérée pour reprendre son travail, est inoccupée, elle vient là quotidiennement, le temps étant délicieux, passer l’après-midi, avoir… bombarder sa ville, quelquefois même sa propre maison, ou à écouter le sifflement sinistre des obus dont elle fait le compte sans s’interrompre de causer. Nombre de personnes apportent des longues-vues pour bien déterminer les points de chute et mieux voir les incendies, car il y a souvent encore des bombes incendiaires, ou poursuivre mieux et plus longtemps le vol des avions. Les dames se munissent de tabourets ou de pliants ; d’autres, plus simples, utilisent les bancs de la route devant le cimetière ; de pauvres gens enfin n’hésitent pas à s’installer à. même la pelouse. Assis en cercle, ici on lit, surtout les journaux — auxquels on commence à ne plus croire, d’ailleurs; là, on tricote, on fait de la tapisserie, partout on cause : le plateau de Bezannes est devenu le dernier salon de Reims. Il faut bien prendre son mal en patience puis qu’aussi bien on n’en a pas pour longtemps : chacun sait que « les Noirs » sont arrivés et que d’ici trois à quatre jours ce sera le « grand coup ».
Il y a ainsi chaque jour des centaines et des centaines de personnes qui se rencontrent tant sur le plateau de Bezannes que sur le chemin qui y accède et dans les sentiers ou les -prés voisins. Comme cet automne est superbe, après avoir assisté à la « représentation » toujours la même : bombardement de deux à trois ou de trois à quatre heures, on fait un détour par les routes de Soissons, de Chamery, ou d’Epernay, on remonte jusqu’à la Maison Blanche, puis on rentre chez soi à la nuit tombante.
En s’en revenant, on assiste à l’exode quotidien des pauvres gens qui chaque soir descendent du faubourg Cérès, de la rue de Cernay ou simplement du centre de la ville pour aller coucher au faubourg de Paris, s’y croyant plus en sécurité contre le bombardement. C’est une habitude qui remonte aux jours de septembre. Les émigrants mettent sur une « guindé » (1) le plus précieux du « berloquin » (2) et en route pour l’avenue de Paris; là, ces malheureux campent où ils peuvent : chez des parents, des amis, d’anciens voisins, tous également hospitaliers. Mais comme le nombre des lits, et même des maisons, est tout à fait insuffisant, on s’étend où on peut. A la fin de septembre, quand les nuits étaient encore douces, certains dormaient sur les trottoirs, près de leur « guindé; » maintenant tous rentrent, s’entassent pêle-mêle sur le parquet des appartements, sur le foin des hangars ou la paille des écuries : c’est la guerre! — « Eh, bien ! Nos poilus sont-ils donc mieux dans les tranchées? » — Et le lendemain matin, plus ou moins dépenaillés, ils reprennent le chemin de leur maison ou de celles qu’ils « gardent, » dans les quartiers voisins des lignes. Quelle tristesse que ces déménagements périodiques, ce va-et-vient de pauvres sans travail et sans autres ressources que les secours du Bureau de bienfaisance, l’allocation de l’État ou l’indemnité de « garde » que leur paient mensuellement les riches propriétaires émigrés!
(1) Petite voiture à deux roues qu’on pousse devant soi.
(2) Terme local désignant le petit mobilier et les souvenirs personnels d’une famille pauvre.
Source 1 : Wikisource.org
Dimanche 18 octobre
Nous occupons Fleurbaix, sur la Lys, tandis que les Anglais ont pris Fromelles au sud-ouest de Lille. Nos fusiliers marins, de leur côté, ont repoussé brillamment, en Belgique, une attaque allemande sur le canal d’Ypres à la mer.
En Prusse orientale, les Allemands qui avaient repris l’offensive sont réduits à la défensive. En Pologne, les forces russes ont franchi la Vistule.
Une flottille anglaise, composée d’un croiseur léger l’Undaunted, et de quatre contre-torpilleurs a coulé quatre contre-torpilleurs allemands sur la côte hollandaise.
Les escadres franco-anglaises qui opèrent dans l’Adriatique ont coulé un torpilleur autrichien.
Le bombardement de Cattaro se poursuit, d’autre part, avec succès.
Le gouvernement russe, imitant l’exemple donné par le gouvernement allemand, a fait poser de nombreuses mines dans la mer Baltique et en a avisé les puissances.
L’Autriche est à peu près à court de subsistances, comme d’ailleurs son alliée.
L’Allemagne, a suspendu les droits sur les céréales, les légumineuses et les farines.
Les Japonais ont pris, à Kiao-Tcheou, la colline qui domine la place de Tsin-Tao, dont la chute ne saurait plus maintenant être beaucoup différée.
Une partie des soldats boers qui s’étaient rebellés au Cap avec le colonel Maritz ont été capturés.
Source : La Grande Guerre au jour le jour