Abbé Rémi Thinot
24 SEPTEMBRE : A 9 heures 40, partant avec Poirier pour faire des photographies, les bombes sifflent et tombent pas loin de nous. Nous rencontrons M. le Curé ; avec lui, nous allons à la cathédrale en passant par les chantiers – les factionnaires observant une consigne rigoureuse.
Nous passons par la crypte, sous la salle des Rois et montons par l’escalier près de la sacristie jusqu’aux prophètes. De là, nous voyons bombarder Pommery, Ruinart le château de la Marquise de Polignac. Jamais je n’avais remarqué à ce point la distance qui peut s’écouler entre le point d’éclatement avec l’énorme fumée perçue à l’œil et l’audition, la perception par l’oreille des sifflements et de l’explosion.
Je photographie le carillon en débris, les moulages, les arceaux rongés par le feu… Spectacle fantastique, curieux et lamentable… Les gargouilles crachent du plomb, la pierre se fendille et laisse couler des stalactites de plomb fondu qui forment parfois de superbes draperies…
Chère cathédrale ! blocs vénérables !arceaux sacrés !
1 heure 1/2 ; Le canon se fait entendre à nouveau. Je vois l’exode de nouveaux Rémois. D’aucuns ont eu du courage. Tenir dans cette atmosphère d’inquiétude et de terreur, est au-dessus de leurs forces…
J’ai noté deux bombes au sommet des tours ce matin. A la tour nord, il y a de gros dégâts…
4 heures 1/2 ; Tout à l’heure, vers 2 heures, je suis allé avec Stanford et Poirier à la cathédrale ; nous avons circulé une heure tranquillement, mais, vers 3 heures, alors que j’étais dans l’escalier ajouré de la tour nord, Pan !, un obus qui éclate exactement au-dessus, crachant une mitraille qui asperge la tour. Pas de dégâts pour nous ; nous dégringolons vivement et, par le passage des tapisseries, nous gagnons la tour de 1’horloge… où Poirier fait un somme pendant que claquent les obus tout autour. Apres une accalmie, nous traversons la cathédrale et trouvons, à la sacristie, M. le Curé qui a été surpris par le bombardement. Nous restons là un moment encore. Nous nous entretenons des mauvaises nouvelles, mauvaises à notre sens bien limité et bien mal informé ; Les Russes ont évacué la Prusse ; par contre, en Autriche, ils ont occupé toute la Galicie… et il est possible que les allemands ramènent de nouvelles troupes en face de Reims.
Que Dieu nous aide et qu’il ait pitié de la France !
5 heures 3/4 ; J’allais à la Mission porter mes affaires. Porte close ; la concierge est dans les caves.
Passant rue de Tambour, un éboulement me barre la route ; c’est la maison voisine de celle des Musiciens intéressante aussi par sa décoration XVIe siècle, qui a reçu un obus une demi-heure auparavant. Les vandales avaient visé encore cette autre de nos richesses artistiques.
Les canons tonnent sans interruption et chaudement comme jamais.
J’ai découvert encore de nouvelles atteintes à la cathédrale tout à l’heure. Il faudra décidément que je relève avec indication précise tous les obus qui ont frappé la cathédrale.
8 heures soir : Je suis las, ce soir, las !
C’est l’épreuve sans qu’on en puisse deviner la tournure. Ne faut-il pas qu’elle soit cela, dans certains cas, l’épreuve, pour être féconde, qu’elle soit prolongée, obstinée… jusque sans espérance ? Notre Seigneur n’a-t-il pas goûté à l’épreuve sous la forme de l’abandon ?
Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.
Louis Guédet
Jeudi 24 septembre 1914
13ème et 11ème jours de bataille et de bombardement
8h3/4 matin Toute la nuit on entend de temps à autre le canon, mais à 5h3/4 la bataille le combat s’anime et jusqu’à cette heure-ci, avec des intervalles plus ou moins longs, le canon gronde et la fusillade crépite. Quand donc en aurons nous fini avec cette situation de piétinement sur place qui dure depuis le 19, mais qui devient énervante pour nous non-combattants depuis le 20, jour où l’on peut dire que nous n’avons plus été bombardés sérieusement. Un obus par-ci par-là, sauf vers les caves Pommery qui seraient passablement endommagées, c’est tout.
Il fait un soleil splendide d’automne qui n’en n’est que plus triste à mon sens car il illumine, il éblouit des scènes d’horreur, de bataille.
Maintenant que les allemands ne m’occupent plus à descendre et à remonter de la cave avec leurs obus, je suis comme désœuvré et ne sait à quoi m’occuper ! Allons ! ne nous plaignons pas ! ce serait mal de se plaindre d’être sorti de cet Enfer.
5h1/2 A 11h1/2 M. Gilbrin vient me dire qu’il doit aller à Troyes pour son service demain vendredi 25 septembre, et qu’il se chargera de mes lettres et dépêches très volontiers, et demande que je les lui remette pour 6h1/2. J’ai donc écrit une longue lettre à Madeleine, préparé une dépêche pour elle et écrit à mon Père dont je suis sans nouvelles, ce qui m’inquiète beaucoup. Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé et qu’à St Martin il n’ait aucunement souffert en quoi que ce soit !
Vers deux heures 1/2 je vais voir Gobert, du Courrier de la Champagne, qui est réfugié rue Robert de Coucy à l’Imprimerie Coopérative, pour lui dire qu’il peut envoyer une dépêche à sa femme qui est à Azay-le-Rideau, par M. Gilbrin. Je vais prévenir de même M. Gomont, 14 rue de l’Université, qui était venu me demander ce service. Je retourne sur mes pas, arrivé au barrage fait au coin de la Place Royale et de cette rue, je m’arrête à causer avec je ne sais plus qui. Quand un sifflement bien connu et boum ! un obus qui éclate vers la nef de la Cathédrale qui n’en peut mais la pauvre et qui a déjà largement son compte. Débandade générale. On se quitte sans se dire « au-revoir » et sans se faire de compliments, croyez-le bien. Je traverse la Place Royale, j’enfile la rue Colbert, je coupe la Place du Marché et m’engage dans la rue de l’Arbalète, où, en face des Galeries Rémoises au n°14, un éclat de bois tombe à mes pieds, il n’a pas éclaté loin celui-là !
J’arrive rue de Talleyrand quand à ma porte un coup formidable et un nuage de poussière vers la rue Noël, la rue des Boucheries, dans ce coin là. J’entre chez moi, je monte à ma chambre prendre mon fourniment de bombardement et de cave, je ferme mes persiennes, et je descends à la cave. Là je trouve M. Fréville du Bureau des Finances à Reims, et sa femme Mme Fréville qui, surpris par l’avalanche, sont venus se réfugier chez moi. Nous nous installons dans notre réduit de la grande cave, il est maintenant 3h1/4, et en attendant la fin de la séance, nous causons de choses et d’autres, des événements bien entendu.
- Fréville me conte l’aventure qui est arrivée à Mauclerc, ancien notaire à Rilly-la-Montagne, et à sa femme qui étaient dans leur propriété de la ferme des Monts Fournois (aujourd’hui le Domaine des Monts Fournois). C’était le mardi 15 septembre 1914, les troupes françaises arrivent à sa ferme, et quelques temps après un officier fait arrêter M. Mauclerc et Mme Mauclerc, leur fait passer les menottes aux mains, ainsi qu’à tous ses serviteurs et on les conduit à Taissy, où on leur dit qu’ils sont aux arrêts comme espions, qu’ils ont faits des signaux aux allemands, etc… Mauclerc se défend comme un beau diable et il s’attire cette réponse du lieutenant-colonel qui l’interroge : « Inutile de vous défendre et d’insister, car vous ne feriez qu’aggraver votre cas ! » – « Vous avez des intelligences avec l’ennemi, la preuve en est que vous n’avez pas été pillé. » On les garde ainsi du mardi 15 au vendredi 18. Quels terribles moments ils ont dû passer, on les menaçait de les fusiller. Heureusement qu’un habitant de Taissy s’est montré assez ferme pour dire qu’il répondait de ce pauvre Mauclerc. Et on les relâcha…
A un moment donné, comme il se recommandait de sa qualité d’ancien notaire, il s’attira cette réponse lapidaire : « On peut avoir été honnête pendant 14 ans, mais changer depuis ! » Ce doit être une dénonciation d’un domestique qui a voulu se venger.
Depuis que j’écris la canonnade fait rage, c’est un roulement continu. Comme de la grêle qui tombe sur une terrasse. On doit se battre furieusement du côté de Bétheny.
6h Je vais porter mes lettres à M. Gilbrin.
6h1/2 J’ai remis mon paquet de lettres au concierge de la Banque de France. Et avant de fermer là-bas dans sa loge ma lettre à mes adorés j’ai griffonné un dernier adieu, je leur ai envoyé un dernier baiser. Je leur ai souhaité une bonne nuit, je leur ai dit : « Bonsoir ! » Oui, que cette nuit et les autres qui suivront vous soient douces, mes aimés !! Pour moi comme pour toutes les nuits jusqu’ici et celles qui vont suivre elles seront et ne peuvent être que tristes, sombres, douloureuses, remplies d’insomnies, loin de vous !
J’ai pourtant payé largement mon tribu de veillées, d’insomnies, de soucis depuis 30 ans, et cela ne cesse pas. Je suis las, je souffre, je suis découragé !! Je n’en puis plus ! En ce moment je suis seul dans la maison, et en allant et venant, vacant, à de menues occupations, choses (?) par les chambres et les corridors, mon cœur était serré !! Les ombres ! les objets ! les souvenirs de tous ceux qui me sont chers m’entouraient, me pressaient, me parlaient dans la nuit, et je souffrais !! Est-ce que j’avais peur ? Je ne tremble cependant pas !
8h soir L’exode des habitants des faubourgs Cérès et de Cernay a recommencé ce soir. Ces malheureux sont comme le volant du jeu de raquette depuis 12 jours. Un jour ils sont obligés de fuir devant la grêle des bombes, tous se précipitent vers l’ouest et filent vers le faubourg de Paris ou de la Haubette se réfugier chez l’un chez l’autre ou dans les caves et les celliers des négociants en vins de la rue de Courlancy. Il faut voir ces réfugiés ! ces campements ! on se croirait revenu à l’époque des catacombes ! Mais aussi l’effarement, l’affolement, la peur, la panique ! en plus.
Cette fuite par nos grandes artères, et notamment par la rue de Vesle est navrante, douloureuse. Des femmes tiennent leurs petits avec des ballots à la main faits hâtivement, les hommes portent des enfants dans leurs bras, des vieillards et des infirmes sur leur dos. Énée transportant son Père à travers les flammes de Troie n’a jamais été plus de saison, plus vrai. Ah ! Comme j’ai compris cette scène d’Homère depuis 8 jours que je l’ai vue se répéter presque chaque jour.
D’autres trainent des charrettes chargées de toutes sortes d’objets, et sur un d’utile 10 sont inutiles. On emporte la cage de ses serins et l’on oubliera des couvertures chaudes, des matelas, du pain pour vivre dans les caves de Ste Geneviève. C’est une cohue, une ruée, c’est échevelant. Un obus là-dedans et ce serait complet.
Les uns crient, les autres pleurent, on s’interpelle, on s’injurie, on se bouscule, et le fleuve torrent descend, s’écoule vers la Vesle.
Le lendemain matin accalmie. On reprend confiance et qui l’un, qui l’autre, se hasarde à remonter vers l’est, vers son chez soi… pour voir et tâcher de reprendre son logis.
Ce réflexe est calme et intermittent, on cause, on bavarde, on se raconte ses impressions de la veille, de la nuit, un tas de vaines choses et faits, comme sur le champ de foire. « Le soleil luit et il est si beau ! » Si par malheur un obus siffle à ce moment, remous, débandade et recul vers l’est. Puis plus rien. On reprend confiance et on remonte vers Cérès ou Cernay, on se connait, on se retrouve entre voisins, et voilà que l’on est réinstallé dans ses pénates à domicile. La journée se passe sans gros incidents, le lendemain vous retrouve confiant, on vague à ses petites occupations. Puis vers les 3 heures de l’après-midi, tandis que l’on papote, on reprend les commérages interrompus la veille, on revoisine, on retrouve ses compagnes ou compagnons coutumiers. Paf ! un obus, sifflement, éclatement. Pif ! encore un autre. Bref, au 3ème, nouvelle débandade, nouvel apeurement, on refait ses malles, ballots, baluchons, charrettes, on recharge sur son dos les ancêtres, on juche sur le haut d’un chargement les serins et la cage, et écoulement, roulement. Fuite éperdue vers l’ouest, Courlancy, Porte de Paris, la Haubette ! Et cela parfois à travers les flammes, la fumée des incendies, c’est lugubre. Or depuis 7 jours ce manège continue. Quelqu’un de ces malheureux me disait : « Si ce métier-là dure encore 8 jours, je serai fou ! »
Un brave rentier, qui de son pas tranquille quoiqu’un peu plus hâtif que d’ordinaire lorsqu’il inspectait au bon temps les pavés de son quartier me disait : « Monsieur, je n’ai jamais pris autant l’air que depuis une semaine, je n’arrête pas de faire la navette de la rue Croix-Saint-Marc à la rue Martin-Peller. Vraiment, c’est un peu de trop pour mes vieilles jambes !! » Et le pauvre petit vieux de s’en aller continuant son chemin de son pas anxieux et pressé vers son gîte de fortune !
9h Allons, couchons-nous, car on ne sait pas ce que sera la nuit… demain !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Après être allé, dans la matinée de ce jour, place Amélie Doublié chez mon beau-frère, je revenais tout doucement en longeant les promenades et le canal, pour rentrer rue du Jard, lorsqu’à hauteur de la rue Hincmar, il m’arriva de rencontrer toute la famille, dans un véritable mouvement d’émigration. les habitants du quartier, auxquels s’ajoutaient ceux venant des environs de Saint-Remi, où tombaient les obus, se dirigeaient en masse vers Sainte-Geneviève, car là-bas, il n’y a rien a craindre.
On m’apprend qu’il a été décidé d’aller du côté du cimetière de l’Ouest et, c’est ainsi, que nous trouvant réunis, nous partons nous installer à proximité de la vigne d’expérience du lycée. Dans le terrain vague où nous nous arrêtons d’abord, un obus de 75, n’ayant pas servi, reluit fort au soleil ; nous nous en éloignons, afin que les enfants n’aient pas la tentation d’y toucher.
L’après-midi, par un temps splendide, nous pouvons assister tristement, en spectateurs cette fois, à une séance de bombardement de Reims, d’un champ situé en face du cimetière. Ce champs est rempli de gens abrités du vent, comme nous, derrière des douzaines de bottes de blé. Le premier obus que nous avons vu éclater est tombé sur la voûte de la cathédrale. D’autres ont suivi et suivent encore, assez rapprochés, sur le parc Pommery, les faubourg Cérès, le quartier Saint-Remi ; la vielle basilique disparaît plusieurs fois derrière la fumée. A chaque coup, nous voyons l’arrivée du projectile dont l’explosion est marquée par un gros nuage. Au loin, à droite de la route de Witry et vers Berru, nous pouvons parfaitement remarquer aussi les endroits où portent les coups tirés par nos pièces. A gauche, un immense incendie brûle tout l’après-midi ; nous supposons que Witry-les-Reims est en flammes.
A notre retour, à 17 h 1/2, nous nous demandons, en voyant une volée de huit à dix shrapnels éclater à une assez grande hauteur, s’il s’agit de signaux ou d’une chasse à l’aéroplane.
Paul Hess dans La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918
Cardinal Luçon
La canonnade n’a pas cessé de faire rage toute la nuit. On dit qu’on n’avait pas eu de nuit si violemment agitée. Impossible de sortir. on essaiera de faire venir des journaux par les voitures d’ambulances du docteur Bonnot (qui m’a rapatrié dans la nuit du 21 au 22). On les demandera à M. Letourneau, curé de St-Sulpice. Jusqu’à 11 h 1/2 de la matinée, canonnade effroyable, avec bombes (sur la ville) que l’on entend très bien passer en sifflant dans l’air.
Reprise de la canonnade à 1 heure après midi. Obus sur la Cathédrale. Je veux sortir : à l’angle de la rue du Cardinal de Lorraine et du parvis, un obus siffle et tombe. Je m’embarrasse dans les fils du téléphone tombés au pied des murs de l’archevêché. Nous rentrons, et descendons aux catacombes. Il faut y retourner vers 4 heures. Il y a eu (dit-on) trois victimes (chez le marchand de photographies de Reims qui s’appelle M. Boucourt). Vers 3 h. un obus dans la tour nord ; un près de M. Boucourt, un chez M. Cliquot.
Les Allemands sont, dit-on, invisibles (cachés derrière la montagne de Berru (3)). On tire au hasard. Ils sont terrés dans les tranchées dispersées dans les bois entre Cernay et Berru. On cherche à les empêcher par une canonnade de se ravitailler en vivres et en munitions.
A 6 h : c’est un orchestre infernal, toute la journée, comme toute la nuit précédente. Miserer nostri Domine.
Les Allemands auraient, hier, arboré le drapeau blanc et demandé la paix, mais avec les honneurs de la guerre : on la leur aurait refusée (4) (??).
6h 1/4. Silence – nuit très tranquille. Coucher à la cave ; mais toute la nuit, cependant, fusillade et canonnade au loin : surtout canonnade lointaine, à partir d’une heure du matin, dit Ephrem. Nous n’avons rien entendu.
Cardinal Luçon, dans Journal de la Guerre 1914-1918, Travaux de l'Académie nationale de Reims
(3) Les batteries allemandes sont effectivement placées à la contre de la butte de Brimont, de Fresnes, de Witry, de Berru et de Nogent-l’Abbesse (distances à la Cathédrale entre 8000 et 10000 mètres), où elles échappent à toute observation, faute de reconnaissance aérienne.
(4) Première et rare mention d’une fausse nouvelle. Elles ne cesseront pas mais le Cardinal n’en fera plus mention, ce qui montre bien la qualité de ses renseignements.
Gaston Dorigny
Le canon a encore grondé toute la nuit. Au lever du jour la canonnade reprend intense. Nous décidons néanmoins de retourner chez nous l’après midi. Vers quatre heures nous partons de chez mon père pour rentrer rue Lesage. Dans notre quartier les batteries sont placées à proximité de notre maison. Tout tremble chez nous quand le canon tonne mais nous sommes habitués au bruit de la canonnade, seul nous craignons encore les obus dont quatre sont encore tombés dans le centre de la ville.
Avec la nuit le silence se fait relatif et nous nous endormons réveillés de temps à autre par la grosse artillerie. Peut-être est-ce le jour où l’on apprendra un mouvement de recul de l’ennemi.
Gaston Dorigny
Juliette Breyer
Mon pauvre Charles,
J’ai fait un rêve cette nuit. Est-ce un pressentiment ou mon cerveau qui travaille ? Je te voyais seul sur un champ de bataille, blessé sans doute, et ce qui m’a réveillé, c’est parce que à mes oreilles j’ai entendu distinctement « Juliette » plusieurs fois. Je n’ai pas pu me rendormir car c’était bien ta voix que j’avais entendue. Peut-être as-tu couru quelque danger. Quand est-ce que la Poste remarchera ?
Je t’aime mon Charles plus que tout au monde.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Victimes des bombardements de ce jour à Reims
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DUPONT Joséphine Lucie – 32 ans, 19 rue Aubert, Tuée avec son petit-fils Alfred – victime de bombardement – ménagère – décédée en son domicile
- DURY Fernand Eugène – 18 ans, 19 rue Aubert, domicilié 3 impasse du cloître à Reims – apprêteur
- HOURLIER Joséphine Lucie – 32 ans, 19 rue Aubert, ménagère, décédée en son domicile
- LACHAPELLE Élise Léonie – 9 ans Victime de bombardement en son domicile
- LACHAPELLE Léonie – 7 ans, 16 rue Montoison, Victime de bombardement en son domicile
Vendredi 24 septembre
La lutte d’artillerie se poursuit en Artois et spécialement autour de Souchez et de Neuville. Les Allemands ont jeté sur Arras et les environs des obus incendiaires qui ont allumé des foyers rapidement éteints. Lutte de bombes et de grenades à Quennevières. Canonnade réciproque en Champagne, à la lisière de l’Argonne.
Tir efficace de nos batteries entre Meuse et Moselle; lutte de bombes et de torpilles en forêt d’Apremont.
En Lorraine, nous bombardons les positions allemandes au nord de Nomény, et près d’Emberménil, de Leintrey, de Gondrexon et de Domèvre.
Un dirigeable français a bombardé plusieurs gares pour paralyser des mouvements de troupes ennemies. Nos avions ont opéré au-dessus des gares d’Offenbourg, de Conflans et de Vouziers, au-dessus des cantonnements de Langemark et de Middelkerke.
Les Russes ont pris une vigoureuse offensive dans la région au nord-ouest de Minsk et capturé des groupes ennemis, tandis que d’âpres combats se déroulent près de Dwinsk.
Les Italiens ont progressé dans plusieurs vallées alpines.
En réponse aux préparatifs qu’on signale en Bulgarie, la Grèce prend des mesures de défense.
Le congrès libéral de Moscou (assemblées provinciales et municipales) a décidé d’envoyer des délégués au tsar.