Louis Guédet
Mercredi 19 août 1914
10h1/2 matin Je suis parti pour St Martin vendredi 14 courant à 3h comme d’ordinaire. Trajet insipide comme d’habitude, lenteur, arrêt de 1h1/2 à Châlons. On nous expulse de la gare. Il faut attendre notre train dehors. Arrivée à St Martin vers 8h1/2. Tout mon monde va bien. Le 15 se passe sans nouvelles. Du reste Saint Martin est d’un calme ! On ne se douterait pas qu’on est en guerre. Quelle différence avec Reims ! où il y a toujours du bruit, cohue sans désordre, mais fébrilité.
Je conte à mes enfants et à Madeleine que l’officier que je loge m’a dit avoir vu la nuit du 13/14 août un chasseur à pied, blessé et mutilé par les prussiens qui lui avaient coupé les 2 oreilles !
Les sauvages !! il vit aussi un gamin de 15 ans avec une balle dans le poignet reçue dans les rues de Liège qui n’avait dû son salut qu’en faisant le mort, les prussiens achevant tout blessé qui avait le malheur de remuer !
Le 16 août je décide d’aller à Vitry-le-François pour tâcher de voir Fernand Laval gendre de M. Lorin des Galeries Rémoises, dont la famille est sans nouvelle.
Anna Laval (Lorin) femme de Fernand Laval, restée avec ses enfants à Carteret est affolée de n’en pas recevoir. Je prends avec moi Marie-Louise et André.
Nous partons à pied pour Songy où nous prenons le train à midi 50, arrivée à Vitry-le-François vers 1h3/4. Entrée rigoureusement gardée, on voit qu’on est au siège du Grand État-major : on le garde bien. Vitry est bondé de troupes : cavaliers surtout, même aspect que Reims comme autobus automobiles etc… qui garnissent toute la Place d’Armes. Je me renseigne et on me dit que le 6ème bataillon territorial du Génie, 47ème Compagnie dont fait partie Fernand Laval comme maréchal des logis est caserné à la caserne Lefol près des Halles. J’y arrive et voit Fernand qui me montre la flottille de péniches (40) amarrées à quelques mètres de là sur le canal et dont il commande une des unités. Il doit au premier ordre partir avec son peloton et 4 chevaux, à vide, vers une ambulance du front pour prendre un chargement de blessés qui sera fait et organisé par les infirmiers de la Croix-Rouge de l’hôpital évacué, et revenir à un point intérieur qu’on doit lui indiquer à ce moment-là seulement. Je vois M. Maurice Gosset 24, rue des Templiers. Tous deux me donnent des lettres pour les leurs.
J’apprends que le drapeau du 132ème allemand a été apporté par le chasseur à pied qui l’a pris en automobile du front pour le remettre au Général Joffre. Celui-ci est installé avec son état-major au Collège de Vitry, place Royer Collard ; cette place au pied de l’église Notre Dame de Vitry est gardée militairement et encombrée d’automobiles de luxe pour le service du Général et de son État-major qui a aussi près de lui des officiers du Grand État-major Belge, Anglais et Russe. Mes deux enfants ont été enchantés de rencontrer dans les rues des ordonnances et des officiers anglais et russes ainsi que des Cosaques. La T.S.F. est installée sur les tours de l’Église et reliée par téléphone au Collège. Le Général Joffre sort peu et ne se transporte qu’en auto. Il se promène quelques fois sur les routes de Vitry vers les Indes, route de Châlons (vers Loisy et St Martin) il est précédé de deux gendarmes, révolver au poing, et suivi de 2 autres gendarmes également au garde à vous, accompagné de deux ou trois de ses officiers armés et de 2 ou 3 agents de la sûreté armés d’un révolver.
Nous revenons vers 4h sans encombre.
Je reviens ici le mardi 18 après avoir remis la barque à flot pour mes enfants qui en étaient bien privés, il suffisait seulement qu’elle fut cadenassée et dissimulée dans les herbes ou sous des (arbres) saules et non rentrée dans les habitations.
En rentrant ici même aspect de la ville, mon payeur est toujours là ! Je vois les Lorin, Laval, donne des nouvelles. Vu hier soir Mareschal et sa femme, on cause toujours sur le même sujet, la Guerre. Maurice Mareschal me dit qu’il y a à l’Hôpital Mencière rue de Courlancy où il est affecté comme officier intendant des blessés français, la plupart aux jambes. Un sergent lui disait que les Allemands tiraient trop bas et que leurs balles plus petites que la notre faisaient des blessures rarement graves, par contre la notre cause dans l’organisme des désordres terribles et les blessures sont toutes très graves. Une supériorité de plus sur ces sauvages avec notre artillerie de 75. Gare à eux. Je crois qu’ils s’en rendent très bien compte car ils se sauvent aussitôt, et nous aussi nous nous en rendons compte de notre supériorité. Les rôles sont changés depuis 1870.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Ce jour, visité rapidement l’hôpital temporaire de la clinique Lardennois. La moitié de la salle est déjà occupée par des blessés ou des malades.
Source : Paul Hess dans La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918 - Notes et impressions d'un bombardé
Les troupes françaises continuent à progresser dans la Haute-Alsace, mais les Allemands ont repris Villé, dans une vallée latérale à l’Ill. En Lorraine annexée, nos soldats occupent la ligne de la Seille, Château-Salins, Dieuze, Delme et Morhange, localité importante, puisqu’elle commande la ligne de Sarrebourg à Metz.
En Belgique, Les Allemands ont bombardé Tirlemont, entre liège et Bruxelles. Ils ont ensuite poussé au delà vers le nord-est. Les populations effrayées s’enfuient, devant eux, dans la direction de Bruxelles et d’Anvers.
Les forts de Liège tiennent toujours. Les forces germaniques, ont décidément tourné la place par l’est, s’approchant même des premiers forts d’Anvers.
Entre Liège et Namur, des masses allemandes ont franchi la Meuse – vraisemblablement à Huy.
Notre cavalerie a eu un succès sur la cavalerie ennemie à Florenville, dans le Luxembourg belge.
Une note officielle dit que, désormais, et d’après des documents sérieux, la responsabilité du haut commandement allemand dans les atrocités de Belgique et de la Lorraine française est absolument démontrée.