Louis Guédet

Jeudi 6 février 1919

1609ème et 1607ème jours

8h matin  Temps froid, de la neige toute l’après-midi d’hier, dégel ce matin. Il fait froid et surtout fort triste !!…  mes idées lugubres sont loin de se dissiper par un temps semblable, on se croirait dans un tombeau ! Et que sera-ce à Reims !! (Rayé).

Écrit ce matin à M. Henri Gentil, ancien Résident Général de la Côte d’Ivoire, qui va bientôt partir à Tahiti comme Gouverneur. Très gentil garçon comme l’indique son nom, esprit artiste mais bien changeant. En tout cas je voudrais bien être à sa place et aller m’installer là-bas dans cette île de la Polynésie ! Ce serait en tout cas moins triste et douloureux qu’ici ! et je serais délivré de cette vie de misère que je mène ici.

J’attends ma femme aujourd’hui, retour de Reims, pourvu qu’elle n’en revienne pas malade, mais elle était éreintée. Ce sera bientôt mon tour d’y retourner et y souffrir.

2h soir  Peu de courrier, 6 lettres à répondre. Le dégel, froid et glacial comme toujours. Lettre du Docteur Lévêque de Togny pour son testament dont je lui envoie un nouveau modèle. Lettre de Robert qui va bien et va prendre ce soir à Paris le train pour Bellheim dans le Palatinat. Marie-Louise ira tout à l’heure chercher sa mère au train. Et mon départ pour Reims se décidera, tôt ou tard, que m’importe, ce ne sera toujours que pour souffrir ou avoir du malheur.

Je vois dans le « Petit Rémois » la nomination de notre nouveau Procureur de la République M. Bazenet, avocat général à Rouen (Edgar Bazenet, décédé en 1930). Osmont de Courtisigny, notre ancien Procureur est nommé Président du Tribunal de Versailles ! Encore un de casé qui a passé juste le temps à Reims (Épernay, veux-je dire) pour attraper son ruban rouge et nous faire sa révérence. Nommé à Reims (Épernay) vers novembre 1917, il nous quitte en février 1919, il aura été vite en 14 mois de temps !!! (Rayé) je n’ai pas (rayé), avec moi il a été toujours très courtois, aimable, affectant la cordialité…  mais était-ce le fond de sa pensée !! Je ne le saurais jamais ! Je regrette ces réflexions, mais il y aura toujours un doute dans mon esprit, qu’il me pardonne, le cher homme ! tout en souhaitant de m’être trompé !

Que sera son successeur ? Peu m’importe ! Ces gens-là ne sont qu’oiseaux de passage ! et je ne vois pas ce qu’ils peuvent influer sur ma triste vie ! Ce ne sera pas eux qui me tireront de l’ornière et du malheur !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

  Cardinal Luçon

Jeudi 6 – Visite de M. Hue, juge ; de 2 trappistes d’Igny ; M. Kollen. Visite aux livres de la bibliothèque de l’Archevêché (sauvés de l’incendie). Donné Mandement à l’impression, jeudi.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 6 février

 

La Conférence interalliée a entendu les déclarations des Tchécoslovaques. MM. Kramarcz, président du Conseil, et Benès, ministre des Affaires étrangères, ont exposé les revendications territoriales de leur gouvernement.
Une commission, dont font partie pour la France, MM. Tardieu et Laroche, examine les revendications de la Grèce.
Plusieurs commissions ont tenu séance: celles de la Société des Nations, des réparations et de la législation du travail.
A la conférence socialiste de Berne, le débat a continué sur les responsabilités. On a entendu MM. Kurt Eisner, Longuet, Troestra, Bunning et Adler. Une commission a été désignée.
La bataille a continué à Brême, où la situation demeure des plus indécises.
Le Conseil national suisse a rejeté la motion socialiste au sujet de l’armée.
Le leader irlandais de Valera s’est échappé de sa prison.

Les troupes françaises ont occupé Hoechst. A la commission de l’armistice, pour l’Allemagne, le général von Hammerstein a remplacé von Winterfeld.

Source : La Grande Guerre au jour le jour