Louis Guédet

Lundi 9 septembre 1918

1459ème et 1457ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Pluie torrentielle toute la nuit. Ce matin brise fraîche et légère. Il fait bon respirer. Néanmoins de gros nuages noirs roulent dans le ciel. Je demande à la Préfecture de la houille pour mon hiver comme juge de Paix. En aurais-je ? Visite d’un émigré, M. Thiébault, qui quitte St Martin pour Montpellier. Il venait me demander des renseignements pour l’expédition de son mobilier. Je lui ferai sa feuille d’expédition. Hier soir vu Marguet qui me disait que le garde-barrière du passage à niveau d’ici vers Cheppes, faisait courir le bruit que j’étais un espion, et que dans la nuit du 15 au 16 (où je l’avais remisé) je faisais des signaux avec ma lampe de poche !! Je vais signaler (en fait de signaux) le citoyen à la Gendarmerie, c’est tout ce qu’il va gagner, d’autant qu’il se vante de rester à la Compagnie ferroviaire pour la Guerre afin d’éviter d’être mobilisé ! Quel mauvais esprit ont tous ces cheminots !!

Les dernières hirondelles sont parties d’hier. Voilà l’Automne que j’aime tant, et puis l’Hiver, avec toutes ses tristesses !

Rien de saillant à 6h du soir. J’ai travaillé comme un nègre, et répondu à ma correspondance assez chargée.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Lundi 9 – Mgr Neveux va à Sezanne pour la Messe du Souvenir français. Visite du Général Berthelot pour la Cathédrale. Je lui avais donné, pour le traduire, un communique allemand, accusant les généraux français de faire de l’observation de la Cathédrale, et de sembler provoquer l’artillerie allemande. Imposture manifeste. II y a, disent-ils, des postes qu’on ne peut voir que de la Cathédrale ; or sitôt qu’il y a un mouvement à ces pos­tes, un obus français arrive ; donc on fait de l’observation sur la Cathédrale. Réponse : tous les postes qu’on peut voir de la Cathédrale, on les voit mieux encore, et d’autres en plus, par avions ou ballon captif (saucisse(1)). II y en avait toujours beaucoup en l’air des deux côtes. Visite de M. le Doyen

(1) L’argumentation du général Berthelot clôt le chapitre sur les « observatoires de la Cathédrale ». Les ballons captifs d’observation affectaient la forme d’une saucisse d’où leur surnom. Ils étaient très vulnérables aux fusées incendiaires lancées par l’aviation.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Lundi 9 septembre

 

L’avance de nos troupes a atteint 7 ou 8 kilomètres en profondeur sur le front de la Somme.
L’ennemi, dont la résistance s’est accrue, n’a pu, en dépit de tous ses efforts, s’opposer au passage du canal de Saint-Quentin, que nos troupes ont franchi à Pont-de-Tugny et à Saint-Simon, après un violent combat. Ces deux localités sont en notre pouvoir.
Au sud de l’Oise, nous avons progressé jusqu’aux abords de Servais. L’ennemi a laissé partout entre nos mains un important matériel.
Sur le front de l’Ailette, et entre Ailette et Aisne, peu de changement. Nous avons progressé au nord de Vauxaillon, enlevé Celles-sur-Aisne et repoussé deux contre-attaques devant cette localité. D’autres contre-attaques ont été brisées au moulin de Laffaux. L’ennemi réagit violemment par son artillerie.
Les Allemands poursuivent leur retraite sur le front britannique. Nos alliés ont pris Villevêque, Sainte-Emilie et la plus grande partie du bois d’Havrincourt. Leurs détachements avancés ont fait des prisonniers et infligé de lourdes pertes à l’ennemi.
Au nord d’ Havrincourt, les Anglais ont occupé le point dit Sport Reaf, sur la rive ouest du canal du Nord, en face d’ Hermies.
Les Américains ont pris Muscourt et capturé 50 Allemands. Ils ont livré plusieurs contre-attaques.

Source : La Grande Guerre au jour le jour