Louis Guédet

Samedi 18 août 1917

1071ème et 1069ème jours de bataille et de bombardement

9h1/2 matin  Nuit calme. Ce matin, beau temps, à 7h l’auto arrive et on charge mes pauvres minutes et archives, de là on va à la Chambre prendre toutes les archives. J’y laisse les livres de la bibliothèque qu’on ne peut prendre. J’y ajoute 3 paniers de livres que je n’avais pu mettre l’autre jour dans le wagon Rondeau. Je sauve l’argenterie et les couteaux de la Chambre des notaires. Bref le camion était bien chargé. Il est parti à 9h, à la Grâce de Dieu ! pour Aÿ. J’aurais fait ce que j’aurais pu !

On se bat devant Caurières et Bezonvaux où sont mes 2 grands (seconde bataille de la Marne, août et septembre 1917), que Dieu les protège. Mais tout cela me brise bien. Revoir ces débris, ces ruines et avoir l’inquiétude des miens en plus !! sans compter la mort qui peut me surprendre ici à chaque instant. Et (rayé).

Les journaux de ce matin commentent avec plutôt une certaine rigueur la note du Pape. Tous sans distinction d’opinion la critiquent et l’accusent d’avoir été suscité par l’Allemagne et l’Autriche. Benoit XV n’a pas eu un mot de protestation contre les massacres et déportations en Belgique et en France, et maintenant que les Vandales se sentent perdus, le voilà qui élève la voix !!  Bref, il aurait mieux dû se tenir tranquille, car elle fera plutôt du mal que du bien ! Le catholicisme ne peut qu’y perdre !! Ce n’est guère le moment cependant.

Je prends mes dispositions pour partir lundi… Je suis si las ! Je dors mal et suis continuellement fiévreux.

6h soir  On se bat toujours terriblement à Caurières et Bezonvaux où sont mes 2 grands. Que se passe-t-il ? pas de lettre de ma chère femme. Mon déménagement de chez Martinet est terminé. Ces débris me brisent le cœur !! Que de fois le poignard m’aura été retourné dans la plaie  du 1er/2 mars 1915 !!!!… Et ce n’est pas encore fini !…

7h soir  On a fini d’entasser le fragile comme les verres et la vaisselle dans le caveau où étaient mes minutes. Le reste dans le billard et les débris dans le garage. Quel sera le sort de tout cela ?!! brisé, broyé ou brûlé ! Je n’ose y songer. Ce ne sera toujours pour moi que des ruines, hélas !… Nous avons été assez tranquille cette journée-ci, mais gare ! la nuit. Voilà 2 bombes qui tombent à proximité. Tout cela m’apeure malgré moi. Je ne résiste plus à ces secousses. Certainement j’en mourrai. Quelles angoisses, quelle agonie !

8h3/4 soir  Ce soir orage sur toute la ligne, au moment de régler les frais de déménagement. Deux prix, un pour moi et un pour la Chambre des notaires, parce que ceux-ci peuvent payer et qu’ils vont aux bains de mer, tandis que nous sommes sous les bombes. J’ai protesté…  mais je n’ai eu qu’à m’exécuter. Cela donne l’état d’esprit des ces gens, et…  la suite !!!… J’en suis effrayé.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Samedi 18 – + 16°. Nuit tranquille ; aéroplanes dans la matinée, tir con­tre eux. Photographe de l’armée me fait poser à la Cathédrale. Obus de temps en temps sifflent sur la ville : tir contre avions à… h. A 7 h. un gros obus éclate en l’air et tombe au coin de la maison Abelé. M. Billaudel en ramasse un gros fragment. A 10 h. soir, combat près de Reims.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Samedi 18 août

En Belgique, une attaque des Allemands sur nos nouvelles positions, de part et d’autre du Steensbeck, a complètement échoué. L’ennemi n’a plus ensuite réagi : nous avons réduit les derniers ilots de résistance, et porté à 400 le total de nos prisonniers. Nous avons capturé en outre 15 canons et un grand nombre de mitrailleuses.
L’ennemi a lancé une vigoureuse attaque sur un front de 2 kilomètres entre le moulin de Vauclerc et le plateau de Californie. Repoussé par nos feux, il n’a pu nulle part aborder nos lignes. Il a échoué également dans les violentes offensives à l’est de Cerny.
Canonnade réciproque en Champagne, vers le mont Blond et le Cornillet.
Sur les deux rives de la Meuse, vives actions d’artillerie. Sur la rive droite, après un court bombardement, les Allemands ont déclanché une violente attaque entre la corne nord du bois des Caurières et Bezonvaux. Nos contre-attaques immédiates ont rejeté de presque tous les points les assaillants qui avaient réussi à prendre pied dans les éléments avancés.
Les Anglais, qui avaient occupé Langemarck où ils avaient fait 1800 prisonniers, ont eu une série de contre-attaques à repousser aux abords de Lens.
De violents combats se poursuivent en Moldavie : chaque fois que les Austro-Allemands ont progressé, les réserves roumaines ont reconquis le terrain perdu.

Source : La Grande Guerre au jour le jour