Louis Guédet

Samedi 28 juillet 1917

1050ème et 1048ème jours de bataille et de bombardement

5h soir  Beau temps toujours très chaud, calme relatif, journée banale. Vu pas mal de monde. Vu Beauvais qui m’a confirmé ce que j’avais appris, c’est que ce matin la maison, ou plutôt le château Quenardel, de Rilly-la-Montagne, où était transféré la sous-préfecture de Reims avait été bombardée, et que le secrétaire, Martin, tout récemment décoré, avait été grièvement blessé avec plusieurs personnes, et son chien tué près de lui, comme il traversait le parc pour prendre son service vers 8h1/2 / 9h. Beauvais me disait qu’il était perdu. J’ai aussi appris que le principal clerc de Béliard, ce (rayé) Lhote, qui était mobilisé…  en Bretagne, avait été tué dans un accident il y a quelques jours. La Mort vous arrête partout…  même quand on est à l’abri.

Vu Charles Heidsieck au départ de l’autobus de midi. Rien de nouveau de lui, son fils Georges est devant l’Yser avec les troupes anglaises qui, parait-il, vont faire une attaque de ce côté. Puissent-ils réussir !! On est tellement las !!

Rien de plus, sauf que l’autorité militaire, me disait Beauvais, refuse des laisser-passez aux honnêtes femmes et les donnent à la brassée à leurs. Chaque jour on en voit arriver de nouvelles. Il déplore comme moi ces embusquages de Rémois dans tous ces bureaux de la Place qui se font les plats valets (rayé).

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

28 juillet 1917 – La nuit a été plus calme.
Bombardement à 8 h 1/2.

  • Nous apprenons, dans la matinée, que M. Martin, secré­taire général de la sous-préfecture vient d’être blessé mortellement par un éclat d’obus, avant de rentrer à son bureau, à Rilly-la- Montagne, où les services de la sous-préfecture avaient été transfé­rés.

Il meurt le soir même, à Epemay, où on l’avait transporté.

Fonctionnaire ponctuel et très affable, M. Martin avait été dé­coré de la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur, par le prési­dent de la République, le 17 juin dernier.

Les tristes conséquences de son décès impressionnent tous ceux qui ont vécu avec lui, sous le bombardement, à Reims.

Les bureaux de la sous-préfecture avaient fonctionné long­temps à l’hôtel de ville, dans la salle des appariteurs. Un couloir les séparait de la « comptabilité » et c’est ainsi que nous avions pu con­naître M. Martin, toujours absorbé derrière sa table chargée de dossiers, et travaillant à l’expédition des pièces administratives avec l’aide de M. Raoul Geny et de Mlle Madeleine Lefevre, dactylogra­phe.

  • Aujourd’hui, je puis mentionner avoir fait la première bonne nuit et m’être entièrement reposé, d’hier soir vendredi à ce matin samedi, comme cela ne m’était pas encore arrivé depuis le 10 juin, jour où j’ai quitté la cave pour installer mon lit dans le bureau du rez-de-chaussée, rue du Cloître, 10.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Samedi 28 – + 17°. Nuit tranquille. Visite aux Photographies en cou­leurs des vitraux de la Cathédrale, rue Jeanne d’Arc qu’on va expédier à Paris. Visite au tombeau des 4 prélats inhumés dans un caveau sous le sanc­tuaire, dont l’entrée fait face à celle de la sacristie. Mgr de Latil, de Coucy, Gaillard. Journée assez tranquille, quoique des obus sifflent par moments. M. Martin, de l’Hôtel de Ville, tué à Rilly-la-Montagne par un obus. Bom­bardement avenue de Laon. Incendie.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Samedi 28 juillet

Les Allemands montrent une extrême nervosité. Leurs attaques d’infanterie ont repris sur un front de 3 kilomètres, depuis la région d’Hurtebise jusqu’au sud de la Bovelle. L’ennemi, en dépit de l’importance de ses effectifs et de la gravité de ses pertes, n’a pu pénétrer qu’après des efforts inouïs dans quelques uns de nos éléments de première ligne, au sud d’Ailles. La plupart de ces éléments lui ont d’ailleurs été presque aussitôt repris. Autour d ‘Hurtebise, tous ses assauts ont été brisés.
En Champagne, après un bombardement intense, une attaque allemande s’est déclenchée, rapide et violente, sur le mont Haut. Toute progression de l’adversaire a été arrêtée par la vaillance de nos troupes. Vers le Mont Blond et aux environs du Casque il n’a même pas pu déboucher.
Au nord d’Auberive, nous avons, au cours d’une opération heureuse, pénétré dans les tranchées allemandes inoccupées, et, poursuivant notre avance, engagé un vif combat avec des éléments ennemis auxquels nous avons infligé des pertes sensibles.
Les Belges ont brisé une offensive allemande au nord de Dixmude.
Les Anglais ont réussi un raid près d’Armentières.
Les Italiens ont arrêté une entreprise autrichienne près de Castagnevizza.
Les Russes se sont retirés à l’est de Tarnopol; ils ont subi un échec au nord de Trembowla tandis que, plus au sud, les Austro-Allemands forçaient leurs positions du Sereth.
Les Roumains ont remporté un succès dans la partie sud des Carpathes, prenant deux villages et capturant plusieurs centaines d’hommes.

Source : La Grande Guerre au jour le jour