Les Taubes ne viennent plus nous voir ! Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une carte rémoise, mais dont le visuel complète finalement assez bien les cartes de la semaine dernière…

Elle nous montre le poilu, et sa chère et tendre, éloignée, mais qui l’aime et pense à lui.
Une manière de se rappeler l’être aimé, de penser à sa mie… et de garder l’espoir et la force de vivement la revoir !

Elle a dit : Beaucoup ! l’humble pâquerette,
C’est avec plaisir que je le ré
pète.

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CPA – Coll. Jacki PINON

Quant au texte du verso, il nous apprend que cette carte est adressée à Léon Profit, 8e Régiment d’artillerie à pied, 30e Batterie à Verdun, par sa maman ou son papa, la signature étant incomplète.

Une carte simple, presqu’anodine serait-on tenté de croire. Et pourtant, il suffit d’y relever quelques informations pour reconstruire l’histoire, et aborder de riches développements possibles.

Longchamps, 13 juillet 1915
Cher fils
Nous avons reçu ta carte avec plaisir.
Je te dirais que nous avons fait du bon travail sur St Dié.
Nous avons fait 767 prisonniers allemands, 19 officiers, 2 médecins majors et 32 soldats blessés.
Depuis ici l’on voyait un ballon captif ainsi que des lueurs d’incendie.
Ici, les nouvelles sont toujours les mêmes. Les Taubes ne viennent plus nous voir, probablement qu’ils ont peur.
Plus grand chose à te dire.
Nous t’embras
sons bien tous de tous cœur.
(illisible)

Ce courrier fait certainement référence aux combats de Fontenelle, puisque le journal L’Illustration nous apprend qu’un défilé de 800 prisonniers à lieu à Saint-Dié le 13 juillet 1915, jour où a été expédiée cette carte.

Cette information est confirmée par la carte ci-dessous :

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Robache (St-Dié), 13 juillet 1915.
Le Général Joffre remet la Croix de guerre
au Drapeau du 133e Régiment d’Infanterie.
Extrait de l’Ordre général n°37, du 12 Juillet 1915, du Général commandant la VIIe Armée.
Est cité à l’Ordre de l’Armée, le 133e Régiment d’Infanterie sous les ordres du Lieut.-Colonel BAUDRAND.
« Ce Régiment, dont 2 Bataillons, trois semaines auparavant, avaient été cités à l’Ordre de l’Armée pour avoir enlevé une position puissamment fortifiée sur une autre partie du front, à renouvelé cet exploit à La Fontenelle.
Entraîné par son ardeur, il est parti avant la fin de la préparation d’artillerie, est arrivé sur les premières tranchées ennemies avec les derniers obus français, a enlevé une position comprenant plusieurs lignes de tranchées et de casemattes, a fait prisonnier près de 900 allemands dont 21 officiers et s’est emparé d’un butin considérable (canon, mitrailleuses, lance-bombes, fusils, etc.), s’est installé sur la position et y a défié tous l
es assauts. »

Comme vous pouvez le constater, le nombre de prisonniers allemands diverge. Le courrier parle de 767, L’Illustration de 800, Joffre de 900, le Journal Officiel de 881… j’ai aussi lu 600 (la Guerre dans les Vosges) !
Qui a raison ???

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Ballon captif dans les Vosges.

Dans la suite de la correspondance, il est également fait référence à un ballon captif, et aux fameux Taubes (colombe), le premier avion militaire allemand de série, mis en service en 1910

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Prise de guerre, un Taube exposé dans la Cour d’Honneur des Invalides, à Paris.

Et s’il n’est plus tellement visible au-dessus des champs de bataille, c’est peut-être parce qu’il s’agit d’un appareil vieillissant, qui doit être remplacé par des avions plus modernes… à moins, que ce soit vraiment la peur du français !!!

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Une vision quelque peu fantasmée d’une victoire aérienne française sur un Taube allemand.
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Carte allemande montrant un Taube survolant les lignes françaises.