Merci à Gérard Corré qui nous a envoyé cet article accompagné des photographies de son grand-père, un témoignage passionnant d’un poilu photographe dans le secteur de Reims

Photos de Louis Corré prises en 1916 et 1917 présentées par son petit-fils Gérard Corré avec l’accord du Cercle Généalogique de l’Aisne

Le 1er août 1914, lorsqu’il est « rappelé à l’activité par décret présidentiel », Louis Corré a 37 ans. Il y a quinze ans qu’il a achevé son service militaire, qui durait alors 36 mois et qu’il a effectué à Saint-Quentin.

Il est le deuxième fils du meunier de Domptin (Aisne), Arsène Corré, et de Juliette Guyot. Son fils unique, André, né d’un premier mariage, a huit ans. Louis s’est remarié quatre ans plus tôt avec Marinette Babouot, qui a maintenant 31 ans, et ils se sont installés à Nogent-sur-Marne.

Il y a dix ans, il a abandonné son métier de boucher et il est entré à l’usine Pathé Frères de Joinville-le-Pont. A l’évidence il aime la photographie et il veut rassurer sa femme ; alors il lui envoie des images des meilleurs côtés de sa vie dans les tranchées, toujours accompagnées d’un bref commentaire au verso.

Ces photographies sont de petit format, autour de quatre centimètres sur six ; celles qui sont parvenues jusqu’à nous couvrent surtout la période d’août 1916 à septembre 1917. Louis appartient alors au 23e régiment territorial d’infanterie, dont l’histoire a été publiée en 1920 chez A. Olivier, éditeur à Caen – garnison d’origine de ce régiment – et dont le Journal des marches et opérations (JMO) est accessible en ligne sur le site internet Mémoire des hommes.

Au moment de la mobilisation, les hommes de 35 à 40 ans ont été affectés dans les régiments territoriaux d’infanterie, dont la vocation initiale était de défendre les places fortes et les points sensibles, sans participer directement aux combats. Mais ils ont rapidement dû effectuer toutes sortes de tâches en arrière du front (ravitaillement, escortes, camps de prisonniers, etc.) puis au front (creusement de tranchées, nettoyage des champs de bataille, etc.) et ils se sont parfois retrouvés en première ligne.

Depuis décembre 1914, le 23e RIT protège le secteur du fort de la Pompelle et de la Butte de Tir, à la sortie sud-est de la place de Reims. Au début de l’année 1916, on a craint un moment que la grande offensive allemande se produise sur Reims. Ce sera en fait sur Verdun, le 21 février.

Toutefois le secteur de Reims n’est pas de tout repos. Il est la cible d’intenses tirs d’artillerie. Le 19 octobre 1915, un bombardement aux gaz asphyxiants entraîne 18 décès dans le régiment. Le 27 mars 1916, c’est un violent bombardement de Reims et de ses environs, suivi d’autres bombardements en avril, en mai, en juin, en octobre et en décembre. Il y aura encore des morts et des blessés sous les bombes en 1917, en fin mars et en fin avril, puis des offensives contre les tranchées françaises en juin, juillet et août.

En plus l’hiver 1916—1917 est très rude : la neige tient du 5 janvier au 10 mars et la température tombe souvent à moins 20 degrés.
En plus l’hiver 1916—1917 est très rude : la neige tient du 5 janvier au 10 mars et la température tombe souvent à moins 20 degrés.

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Louis continuera la guerre dans le secteur de Cormicy, puis comme photographe du service aéronautique. Il sera démobilisé le 3 février 1919. Il retrouvera alors sa famille et il reprendra son emploi chez Pathé. Il décèdera à Paris en 1934.

1 – Les tranchées, armes de guerre

La tranchée est d’abord un obstacle matériel à la progression de l’armée adverse. Près de Reims, le front a été très statique et les tranchées ont été bien consolidées (ici dans le secteur de la ferme de Jouissance).

Il y a des « postes d’écoute » et des « observatoires » pour surveiller l’activité des tranchées adverses.

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Au château de Vrilly :

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à la ferme de Jouissance :

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dans le secteur du passage à niveau (P.N.)

2 – La vie quotidienne dans les tranchées

Il faut bien ce que l’on appellerait aujourd’hui un ensemble de services. On y mange, on essaie d’y dormir

La tranchée est aussi un lieu de vie : il faut essayer d’y dormir, faire sa toilette, se raser. Pour rester positif, Louis ne nous montre ces activités que sous le soleil !

En dehors des phases de combat, il faut bien s’occuper tout en utilisant au mieux l’espace réduit de la tranchée. Alors, on casse du bois, on lit un journal ou on fabrique un coupe-papier…

Ou bien l’on se fait vacciner !

Les activités sont souvent collectives : éplucher les pommes de terre, déjeuner, laver le linge à la rivière ou participer aux séances d’instruction (ici à Ormes, à la sortie ouest de Reims).

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fabriquer un coupe-papier
casser du bois
casser du bois
lire le journal
lire le journal
apporter la soupe
apporter la soupe
raser un poilu
raser un poilu
recevoir une piqûre
recevoir une piqûre
faire sa toilette
faire sa toilette
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faire la cuisine
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déjeuner

3 – Les activités collectives dans les tranchées

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revenir de permission
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s’instruire (Ormes est à la sortie ouest de Reims)
103
faire éclater une mine
104
déjeuner (au pont de Vrilly)
105
déjeuner encore (à la passerelle Joffre)
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laver le linge
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éplucher les pommes de terre (au moulin de Vrilly)
108
poser pour la photo (à la ferme de Jouissance)
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poser pour une deuxième photo
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poser pour la photo des sous-officiers
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rendre compte