Louis Guédet
6h soir Temps triste, pluie fine comme tombant à regret. Sorti à 2h, passé à la Ville. Vu aux Réquisitions et aux accidents du travail. Passé un mot au Maire qui était en séance pour lui annoncer que j’étais enfin redésigné à Reims comme juge de Paix, le Décret serait du 20 et aurait paru le 21 à l’Officiel. De là été voir Robiolle au Pont-Neuf près des Tilleuls pour ma houille.
Rencontré D’Hesse, le boulanger, qui me fera les 4 000 Francs de Lecomte pour la maison qu’il a achetée. Prévenu ce dernier au 70 rue de Vesle à la Chefferie du Génie.
Passé chez Dor acheter un peu de jambon pour manger avec ma salade ce soir et ce sera tout mon dîner avec peut-être un œuf à la coque.
Rentré chez moi, je suis ressorti pour rendre visite au Cardinal Luçon, avec lequel je me suis entretenu 1/2 heure. Il est réfugié à la Maison Pommery, rue Vauthier le Noir, n°7. Reçu dans un petit salon de l’aile gauche où dans la muraille, au-dessus d’un dessin à la plume de la Cathédrale de Reims en ruines est incrusté, très nettement et très proprement, un éclat d’obus gros comme le poing. Vu un instant Mgr Neveux qui revenait de voyage. Entré chez l’abbé Camu, curé de la Cathédrale une minute. Il est campé dans la loge du concierge de la maison d’Henri Lucas, l’ancien archevêché brûlé depuis mars 1918. Puis rentré chez moi, oh ! combien triste !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mardi 25 – Visite de M. le Curé de Arcy-le-Ponsart, de M. le curé de Rethel ; de M. Guédet ; retour de Mgr Neveux ; de M. Louis Demaison.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mardi 25 février
On tient M. Clemenceau pour hors de danger.
Le Comité des Dix a discuté les questions albanaises, polonaises et marocaines. Il s’agit de savoir comment, l’acte d’Algésiras étant aboli, le Maroc français sera libéré des servitudes qui pesaient sur lui.
Le conseil des ouvriers et soldats a pris le pouvoir à Munich et a confié l’exécutif à onze personnes désignées par lui. Ce sont les éléments extrémistes qui l’emportent. Des troubles graves ont eu lieu également dans d’autres parties de la Bavière, à Nuremberg et à Augsbourg. Ebert a pris des mesures pour maîtriser ce mouvement spartacien, et il a renvoyé tous les députés bavarois à la Constituante dans leurs circonscriptions. L’état de siège a été proclamé dans le grand duché de Bade, où des séditions se sont produites, particulièrement dans la ville de Mannheim.
Lenine annonce qu’il a triomphé d’un coup de force des socialistes révolutionnaires de gauche dirigé contre son autorité.
Le président Bernardino Machado, qui avait été banni du Portugal et privé par force de son mandat, a résigné à se dernier.
Quatorze bateaux autrichiens qui se trouvaient en Espagne, ont été remis à notre ministère de la Marine et vont être utilisés par lui.
Source : La Grande Guerre au jour le jour