Louis Guédet
Lundi 18 novembre 1918
1529ème et 1527ème jours
11h matin Temps magnifique ! un soleil splendide. J’attends mon courrier et souhaite qu’il ne soit pas volumineux pour pouvoir un peu sortir cet après-midi.
4h soir Peu de courrier. Lettre de Mme Charles Benoit qui s’était réfugiée en Suisse à Genève où dans l’hôtel où elle était installée un Monsieur, des Vosges, lui a parlé de moi !! Elle ajoute : « Que le Monde est petit ! » C’est vrai, mais qui diable ce peut-il être ? car elle ne se rappelle plus de son nom ! Encore des souvenirs d’antan.
Dans l’Écho de Paris je lis dans la chronique de Marcel Hutin que le Général Nudant (Alphonse Nudant, chef de la commission d’armistice interalliée (1861-1952)), Président de la commission internationale d’armistice, est arrivé au G.Q.G. allemand ! Encore une vieille connaissance ! qui ne pourra que sympathiser avec les allemands. C’est ce fameux galonné qui à Reims m’envoyait le Lieutenant Lissilour, un confrère de Bretagne, son officier d’ordonnance pour me demander si je connaissais des caves à… piller !! Avec les allemands il s’entendra parfaitement ! Je n’en doute pas ! Rien d’autre de saillant. Le temps s’est obscurci en fin de l’après-midi. Été à Vitry-la-Ville pour mon courrier.
4h1/2 soir Aujourd’hui nos troupes sont rentrées à Metz (hier à Mulhouse). Je serais bien aise de revoir Metz délivré que j’ai tant parcouru en 1884 et en 1904 !… Mais irais-je jamais ! Les joies du Triomphe et de la Paix ne sont pas faites pour moi !
A Mulhouse aussi j’aurais été si heureux de me trouver près de mon excellent vieil ami M. E. Schoen !… Non, il faut que je fasse pour toujours des sacrifices : les peines, les souffrances, les tourments, les misères me sont réservées, jamais les joies, les satisfactions ou les prospérités !… Quelle triste destinée que le mienne !…
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Lundi 18 – Visite à Sedan. Arrivée à 10 h. Les enfants de chœur courent les rues, des sonnettes à la main. La foule arrive à l’église. Je les salue. Chant du Magnificat. Allocution. Salut du St-Sacrement. Retour à Charleville. Voir Revue Remo-Ardennaise, le récit de notre voyage par Mgr Neveux.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Lundi 18 novembre
L’entrée du couple royal de Belgique à Bruxelles a dû être différée à raison des désordres que les Allemands ont provoqués dans cette capitale. On prévoit, l’obligation pour les Alliés, de prendre de nouvelles mesures militaires pour faire respecter les clauses de l’armistice. Des rixes ont eu lieu à Liège entre civils belges et soldats allemands.
Des officiers polonais sont arrivés en automobile à Posen et ont réclamé aux autorités prussiennes la remise de la ville.
Les avant-gardes roumaines ayant franchi plusieurs cols des Carpates, ont occupé un
certain nombre de localités en Transylvanie.
L’Allemagne a adressé une nouvelle note aux États-Unis pour solliciter leur aide contre la famine. Le chancelier allemand Ebert a déclaré qu’il hâterait de tous ses efforts l’heure de la réunion de l’Assemblée Constituante. Le président du Reichstag Fehrenbach a fait savoir qu’à raison des circonstances, cette assemblée ne serait plus réunie.
Le grand-duc de Bade a renoncé au pouvoir. Une assemblée badoise sera élue le 5 janvier 1919. Le grand duc de Saxe Cobourg, le prince de Waldeck, le prince de Schaumbourg-Lippe, le duc de Saxe-Meiningen ont également publié leur renonciation.
Le chef du parti socialiste suédois, Branting, a pris la parole pour combattre toute violence et recommander les voies légales.
M. Lloyd George a prononcé un grand discours à Westminster pour ouvrir la campagne électorale. Il a montré la gravité des problèmes d’après guerre et préconisé d’importantes réformes sociales. M. Bonar Law, au nom du parti conservateur, a appuyé ses déclarations.
Une fusillade entre soldats a eu lieu à Vienne.
L’Amérique a commencé à démobiliser.
Les Italiens sont entrés dans Fiume.
Source : La Grande Guerre au jour le jour