Louis Guédet
Jeudi 19 septembre 1918
1469ème et 1467ème jours de bataille et de bombardement
8h matin Temps couvert, lourd, humide, déprimant. Pluie la nuit. Nos troupes du 199e d’Infanterie sont parties subitement à 8h1/2 du soir. Le fils Legin, tailleur à Reims (George Legin (1882-1963)), est venu nous dire adieu très gentiment, très touché des quelques petits sous que nous lui avions donnés. Pour la nuit nous lui avons fait des œufs durs dont il semblait enchanté. Ils allaient vers Somme-Vesle. Le Commandant Béguin nous a dit au revoir, toujours très timide le brave abbé ! Comme je lui demandais s’il allait continuer à porter la fourragère jaune du 254e, il me répondit négativement parce qu’il n’avait pas coopéré aux 4 citations de ce régiment.
A 9h on vient nous prévenir que 600 chevaux et 300 hommes vont arriver cette nuit. C’est pourquoi notre infanterie est partie si subitement.
Toute la nuit est passée dans le village et sur la route de l’artillerie de campagne et de l’artillerie lourde. Vers 2h du matin notre commandant d’artillerie lourde, le 111e, est arrivé. Bref nuit sans sommeil ou presque.
3h soir Courrier peu chargé, répondu rapidement. Lettre de Jenny Roze (Mme Cassagnou) (Jenny Roze-Cassagnou (1874-1952)) qui me demande d’aller la voir quand j’irai à Paris à Vincennes ou à Boulogne à partir du 8 octobre 1918. J’irai certainement la voir. Voilà 30 ans que je ne l’ai pas vue… !! que de souvenirs à nous rappeler, de notre prime jeunesse ! mais aussi que de souvenirs tristes à se remémorer aussi !
Pluie battante en ce moment. Quelle triste journée. Madeleine va un peu mieux, mais elle est fort fatiguée de cette dysenterie. André et Maurice sont allés voir les canons des troupes que nous cantonnons de cette nuit. Ils doivent repartir ce soir parait-il. Ce sont des 120 vieux modèle Bange qui sont surtout à cause de leur précision utilisés à battre les croisements de routes, les carrefours et les points bien déterminés. Pas vu le capitaine que nous logeons.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 19 – Retour de Mgr Neveux de Courtalain. Visite du Général Maistre(1) et du Comte de Juigne ; de M. le Cure de Saint-Imoges. Reçu la lettre de M. Lefos et répondu
(1) Général Maistre. Chef d’État Major de la IVe armée à l’Est de Reims en 1914 ; il commande le 21e Corps d’Armée à Notre-Dam de Lorette en 1915, défend le secteur de Vaux à Verdun en 1916, puis commande la VIe Armée victorieuse en octobre 1917 au Chemin des Dames. Après un séjour en Italie, au printemps 1918 il bloque l’offensive allemande devant Villers-Cotterêts avec la Xe armée. Enfin, il commande le Groupe d’Armées du du Centre pour les dernières offensives. Il demeure comme un modèle de fantassin français.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 19 septembre
A l’ouest de Saint-Quentin, nos troupes ont réalisé des progrès au cours de la journée, dans la région d’Holmon et de Savy. Nous avons fait une cinquantaine de prisonniers.
Entre Ailette et Aisne, nous avons continué à élargir nos gains. Des attaques locales nous ont permis de progresser au nord et à l’est d’Allemant. Nous avons fait une centaine de prisonniers.
Nous nous sommes emparés, après un vif combat, d’un point d’appui fortement tenu par l’ennemi à l’est de Sancy.
Sur le front de la Vesle, les Allemands ont été trois fois repoussés devant nos positions de la région de Glennes. Huit avions ennemis ont été abattus. Nous avons lancé dix tonnes de projectiles sur des gares, des bivouacs et des terrains d’aviation ennemis.
Les Anglais ont livré d’importants combats au nord-ouest de Saint-Quentin. Ils ont pris un poste allemand à l’ouest de la Bassée et arrêté une attaque à l’est de Vierstraat. Ils ont abattu quarante-cinq avions allemands; vingt autres ont été contraints d’atterrir, désemparés.
La note autrichienne a été remise par le ministre de Suisse à M. Stephen Pichon.
Les bolcheviks ont été battus sur le front d’Arkhangel.
Source : La Grande Guerre au jour le jour