Louis Guédet
Samedi 10 août 1918
1429ème et 1427ème jours de bataille et de bombardement
8h matin Temps couvert mais beau. Hier reçu une lettre de Jolivet m’annonçant sa citation à l’ordre du régiment et sa Croix de Guerre. Il doit être enchanté ! Quoiqu’il en dise il la désirait énormément, mais il la méritait depuis longtemps du reste. Sa femme ne doit pas se tenir de joie ! Dans sa lettre il prétend qu’il va perdre son originalité en ne l’ayant pas quoique l’ayant gagnée méritée dix fois pour une, mais n’empêche qu’il doit être heureux de l’avoir quoiqu’il veuille ne pas le paraître, et surtout comme il la désirait. Ce qui m’amuse dans tout cela, c’est les brocards et les coups de langues et les coups de griffes dont il va gratifier les embusqués de sa connaissance. Cette Croix leur sera servie à toutes les sauces et Dieu sait comment !! J’aurai bien souvent l’occasion d’en rire in petto ! Gare à ses amis et connaissances embusqués jusqu’à la gauche… !… Ce sera énormément amusant !
4h1/2 soir Vu le « Matin », nous avançons toujours un peu vers Chaulnes. Nouvelles de Jean du 2 seulement. Pourvu que nous ayons bientôt de ses nouvelles. On annonce déjà plus de 210 000 prisonniers.
Été à Vitry-la-Ville porter mon courrier assez volumineux. Reçu mon parchemin de la Légion d’Honneur, signé du Général Florentin (Georges-Auguste Florentin, Grand Chancelier de la Légion d’Honneur jusqu’en juin 1918 (1836-1922)) et de Poincaré. Il porte la date du 5 janvier 1918, date du Décret, au titre de notaire et de juge de Paix intérimaire des 4 Cantons de Reims. Nouvelles de Robert qui allait dîner chez Rayer à Vincennes avec son fils qui est également au 61e d’Artillerie. Rayer me l’a écrit également et me demandait de m’occuper de son renvoi en congé pour reprendre la direction de son Étude. Dont le suppléant son clerc, Richard, parait vouloir se désintéresser complètement. En même temps Rayer gérerait l’Étude de Demoulin, notaire à Hautvillers, abandonnée par son suppléant depuis 8 ou 10 mois.
7h1/2 soir On vient de trouver, atterrissant près du passage à niveau de notre côté, un ballonnet allemand rouge contenant 3/4 journaux « Le Journal des Ardennes » commentant le repli stratégique des allemands, disant que dès le 16 juillet, Hindenburg, voyant qu’il n’avait pas obtenu ce qu’il voulait dans l’attaque du 15, il avait arrêté net la bataille, etc… que jamais les américains n’arriveraient à amener assez de troupes en France pour vaincre les allemands, etc… Et ils pensent nous impressionner avec de nouvelles balivernes ! Et quand l’on pense que c’est un français ! qui dirige, rédige ce Journal des Ardennes à Charleville !! C’est à rougir. Du reste ce fameux rédacteur était de la Bande du Bonnet Rouge ! J’espère bien qu’après la Guerre on le fera livrer et on le fusillera.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 10 – Malade. Pas dit messe. Prise de Montdidier
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Samedi 10 août
Dans la région de Montdidier, nous avons réalisé quelques progrès locaux au sud de Framicourt et au sud-est de Mesnil-Saint-Georges.
Sur la Vesle, nous avons repoussé une tentative ennemie contre la ferme la Grange et nous nous sommes installés à la station Ciry-Salsogne. Nous avons fait une centaine de prisonniers à l’est de Braisne.
En Champagne, une attaque locale, dirigée contre nos positions au sud d’Auberive, a été rejetée.
Les troupes anglaises avaient dû légèrement reculer, au front de la Somme, des deux côtés de la route Bray-Corbie, au sud de Morlancourt. Elles ont contre-attaqué et repris les points principaux des positions qu’elles avaient évacuées. Tous les objectifs de cette contre-attaque ont été atteints et un certain nombre de prisonniers ont été faits.
Nos alliés ont avancé quelque peu leurs lignes des deux côtés de la Clarence, en capturant des ennemis et deux mitrailleuses. Leurs troupes ont fait irruption dans un poste ennemi, au nord de Vieux-Berquin.
L’artillerie ennemie s’est montrée active à l’est de Robecq et dans les secteurs de Merville et de Dickebusch.
Cinq zeppelins ont tenté de franchir la côte anglaise : ils ont été attaqués alors qu’ils survolaient encore la mer par des forces aériennes travaillant de concert avec la marine. Un aéronef fut abattu en flammes à 40 milles de la côte. Un autre fut endommagé, mais réussit probablement à atteindre sa base.
Source : La Grande Guerre au jour le jour