Louis Guédet
Vendredi 3 mai 1918
1330ème et 1328ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Beau temps, chaud. Gare la pluie ! Parti avec André à 5h1/2 du matin à Vitry-la-Ville, trouvé le Procureur de Châlons, fait route avec lui. A Épernay vu aux coupons et aux titres. Le directeur de la Banque de France d’Épernay, voyant mon embarras, me propose de garder mon coffre avec mes valeurs afin que j’aie la facilité d’y voir, mais il accepte de conserver ma clé sous enveloppe scellée, dont il se servirait s’il y avait urgence d’enlever mes valeurs. J’ai accepté aussitôt. Ce sera beaucoup plus commode.
Audience de 9h1/2 à 11h. Vu le Procureur de Reims toujours fort aimable. Il m’a assuré que Dondaine et Landréat auront la « Reconnaissance Française ». Vu pas mal de Rémois, Eloire, sapeur pompier de Reims, Gaston Laval (Industriel en Teintureries (1878-1952)), qui m’a dit que toutes les maisons avaient été pillées et qu’il avait vu la maison du 52 de la rue des Capucins ouverte complètement. Je vais écrire pour qu’on barricade les portes !… Pauvre Maison Mareschal, mon dernier refuge. Une tristesse, une douleur de plus !
Rentré à 4h1/2 comme d’ordinaire.
Durant mon entretien avec le Procureur, un Chasseur à pied est arrivé pour demander qu’on l’autorise à se marier sans le consentement de ses parents qui sont en pays envahis. Celui-ci parti, le Procureur de me dire : « Je ne vois plus que cela, de ces mariages faits à la diable sans l’autorisation des parents ! » Et moi de lui répondre : « Voilà bien des divorces en perspective ! » Lui de repartir : « Voilà bien des liquidations pour les notaires ! » Du tac au tac : « Oh ! Monsieur le Procureur de la République, comme vous accorderez l’assistance judiciaire la plupart du temps, nous n’en n’aurons que les ennuis sans aucun profit ! » Il éclate de rire de bon cœur en disant : « C’est à craindre, mon cher juge de Paix ! » Je lui réparti : « En tout cas, Monsieur le Procureur, vous me permettrez de passer toute cette assistance judiciaire aux jeunes confrères, j’ai assez peiné depuis 4 ans !… » – « C’est entendu ! me répondit-il… » Le Brave Procureur n’y coupera pas !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Vendredi 3 – Voyage des Sœurs de Dormans. Retour de Mgr Neveux. Visite de M. de Mun. Via crucis in Ecclesia. Installation des lits dans les chambres au-dessus du cloître de l’Abbaye.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 3 mai
Au nord de l’Avre, une attaque allemande sur nos organisations dans la région de Thennes a échoué sous nos feux.
D’autres tentatives ennemies au nord de Chavignon et au nord-ouest de Reims n’ont pas eu plus de succès.
De notre côté, nous avons effectué divers coups de main sur les lignes ennemies, notamment vers le Monchel, à l’ouest de Coucy-le-Château, au nord de Pont-à-Mousson et au Violu, et ramené une vingtaine de prisonniers.
Sur le front britannique, l’artillerie allemande a violemment bombardé les environs de Béthune ainsi que les positions du secteur de Locre. Durant le mois de mars, l’armée britannique a fait 1661 prisonniers, dont 59 officiers, et en avril, 5241 prisonniers, dont 136 officiers. Ces chiffres ne comprennent pas les prisonniers faits par les troupes françaises.
Sur le front belge, activité de patrouilles.
En Macédoine, activité d’artillerie.
Sur le front serbe, dans la région de Vetrenik, plusieurs attaques bulgares ont été repoussées. Dans la boucle de la Cerna, nos détachements ont dispersé plusieurs reconnaissances ennemies.
Les troupes anglaises ont progressé en Palestine, à l’est du Jourdain et fait 260 prisonniers. Les Arabes ont capturé plusieurs centaines de Turcs en attaquant la voie ferrée du Hedjaz.
Source : La Grande Guerre au jour le jour