Louis Guédet
Samedi 30 mars 1918
Samedi Saint
1296ème et 1294ème jours de bataille et de bombardement
10h matin St Martin (toujours). Temps couvert, froid mais pas de pluie. Je me suis occupé jusqu’à présent de l’examen des dossiers d’appel pour les allocations militaires. Ces allocations ne sont plus à accorder, mais dues, exigées par les intéressés ! C’est insensé !! Cela nous promet de jolis soulèvements… et des bagarres après la Guerre quand elles seront supprimées, et comme toujours les plus ardents, les plus violents, les plus exigeants ce sont les gradés, les embusqués, les embusqués des usines de Guerre et les gens dans une situation aisée ! A les entendre nous n’aurions qu’à exécuter sans examen, sans contrôle !! Cela devient scandaleux. S’il fait beau cet après-midi et si je n’ai pas trop de courrier j’irai voir le Maire de Reims le Docteur Langlet qui est réfugié chez son beau-frère, le Docteur Lévêque, à Togny-aux-Bœufs. Je suis bien découragé, écœuré, dégouté. Que faire ? Entreprendre quelque travail, quelque occupation, pour être obligé de l’abandonner peut-être d’un moment à l’autre. Et puis mes deux Grands ?!! A quoi bon !! Semer toujours et ne rien récolter. J’en ai assez.
2h après-midi Pas de courrier, une lettre ! L’Écho de Paris d’hier donne des nouvelles plus rassurantes, mais toujours graves néanmoins. Ici, la panique, et des tas d’imbéciles qui racontent des histoires plus abracadabrantes les unes que les autres. C’est à gifler ces gens-là !… Il pleut, et me voilà encore empêché d’aller à Togny voir le Docteur Langlet… Ce manque de nouvelles précises m’agace au suprême degré, surtout en entendant toutes les jérémiades qui se disent autour de moi. Si seulement j’avais encore un peu à travailler, mais rien. Et tout ce que j’attends d’Épernay et d’ailleurs ne vient pas. A Châlons çà doit être la « pagaye », car là est le nœud de tous ces retards et silences. Pourquoi ? Impossible de le savoir… Je me battrais bien contre tout le monde.
On nous annonce des tirailleurs, le 1er Régiment, ce soir. Un capitaine à loger. Peut-être saurais-je quelque chose par ce Alessandri, son nom. Tout de suite on dit qu’ils vont à Reims ! bien entendu ! Pourquoi pas à Constantinople !
4h soir Le Capitaine des Zouaves vient d’arriver, il parait très commun. Il pleut toujours, impossible d’aller par ce temps à Togny.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon – Paris
Samedi Saint 30 – A l’Office de 6 h. 15 à 9 h. 15 à peu près, pendant l’Office, entendu plusieurs bombes. A 9 h. 30 entendu une bombe pas très loin de nous.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173