Louis Guédet
Vendredi 11 janvier 1918
1218ème et 1216ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Le dégel complet, il fait doux. Toute la journée je n’ai pas désemparé de répondre aux lettres de félicitations que je reçois. A midi j’en ai encore eu un lot de 40. En voilà 200 en 3 jours, au moins. Reçu le matin le fils Veith qui venait me causer affaires. Ils deviennent bien définitivement mes clients. Après-midi été à la Poste, de là chez Dor pour mettre le contrat de mariage de sa fille au point. Pris mon billet de voiture pour le 18. Passé chez Camuset banquier, prendre sa signature pour Bigot, mon confrère de Reims, filé d’ici à la première heure. De là rendu visite au bon abbé Camu. Poussé jusqu’à l’Éclaireur de l’Est où les braves et héroïques typos m’ont félicité d’une façon vraiment touchante, et rentré chez moi en passant par le Courrier de la Champagne pour prendre des enveloppes et commander des cartes pour remercier. L’ouvrier qui tient le magasin me dit qu’il avait appris ma décoration par un soldat qui lui avait dit : « Voilà M. Guédet décoré, maintenant il va quitter Reims ! » Mon brave litho a presqu’en… guirlandé le fantassin !! « Vous ne connaissez pas notre juge de Paix ! Lui nous quitter ? Vous fouterez le camp de Reims avant qu’il ne la quitte !!! Sale embusqué !! » Çà a faillit tourner mal, mais le litho a clos l’incident en mettant à la porte l’embusqué !! (Rayé).
Rentré chez moi, trouvé une carte du bon abbé Divoir, qui venait s’assurer de la part de l’archevêque si c’était vrai ! Il est maintenant fixé. Demain je rendrai visite au Cardinal Luçon.
Lettre de mon Robert qui me félicite et me donne de ses bonnes nouvelles, ainsi que de celles de Jean. Que Dieu les protège !
Je suis surtout très touché des manifestations des ouvriers, des humbles qui me félicitent avec ne simplicité charmante. A l’Éclaireur un typo n’ose me tendre sa main toute noire et me tend son petit doigt. Je lui prends la main en lui disant : « Une main d’ouvrier ne salit jamais !! » Lui de me répondre : « Oh ! M. Guédet, nous savons bien que vous nous aimez et nous comprenez, aussi votre décoration nous a fait tous plaisir ; car vous l’avez bien méritée ! » Et tous paraissent enchantés ! Ah ! pour qui sait connaître et deviner le cœur du peuple, de l’ouvrier, quel joli trésor de satisfactions !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Vendredi 11 – Nuit tranquille. + 3°. Dégel. Visite de M. Guédet. Visite à M. de l’Epinière (transféré à Ormes) ; à M. le Sous-Préfet, non trouvé ; à M. le Doyen de S. Jacques. Donné Mandement de Carême. De 6 h. à 9 h. soir tir sur ravitaillement, 4 hommes tués et 3 chevaux, rue Jeanne d’Arc. Neige.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 11 janvier
Nous avons aisément repoussé un coup de main ennemi sur nos petits postes à la lisière ouest de la haute forêt de Coucy.
Activité réciproque d’artillerie en Champagne, dans la région des Monts et sur le front Bezonvaux-bois des Caurières.
Sur le front britannique, activité des deux artilleries en un certain nombre de points au sud de la Scarpe. L’artillerie ennemie s’est également montrée active au nord-est d’Ypres.
En Macédoine, activité d’artillerie réciproque à l’ouest du lac Doiran. Patrouilles ennemies repoussées vers Stavavina (rive droite de la Cerna).
Sur le front italien, engagements d’importance secondaire.
Les Japonais ont envoyé un croiseur à Vladivostock.
Le message de M. Wilson est chaudement approuvé par toute la presse de l’Entente.
On parle en Allemagne d’une retraite de von Kuhlmann, qui serait imposée par le grand état-major.
Le roi d’Espagne a signé le décret de dissolution des Cortès.
Le Comité des Soviets russes a reconnu l’indépendance de la République finlandaise.
Les délégués maximalistes et austro-allemands à Brest-Litowsk ont discuté de l’opportunité de transférer ailleurs le siège des pourparlers.
Source : La Grande Guerre au jour le jour