Louis Guédet
Samedi 8 septembre 1917
1093ème et 1091ème jours de bataille et de bombardement
7h soir Temps gris d’automne, le matin brouillard, soleil torride après-midi. La nuit calme. Pas de nouvelles des miens, que deviennent Jean et Robert, ce que je suis angoissé à leur sujet !! Causé très longtemps avec Beauvais ce matin en attendant le courrier qui avait du retard. Je lui ai demandé qui m’avait proposé. Il m’a dit que c’était d’abord le sous-préfet Bailliez qui lui en avait parlé. Il croit que le Maire m’a proposé avec les adjoints, il m’a promis de me le dire en tout cas. Et il m’a avoué qu’on s’était surtout inquiété de mon cléricalisme !!! Beauvais lui-même en riait !! et il a dit ce qu’il pensait de moi, mais aussi il a dit au sous-préfet : « Parlez-en donc à Chézel qui vous dira ce qu’il pense de M. Guédet !! » Il parait que Chézel m’estime beaucoup et a été surtout frappé et très touché de mon libéralisme et de mon impartialité à la Commission cantonale des allocations militaires que j’ai présidée durant 2 ans !!! Bref j’ai eu une très bonne presse.
Cette après-midi été voir la Supérieure de Roederer, qui l’a échappé belle il y a 15 jours. Un obus est tombé dans leur dortoir et elles n’ont pas eu une égratignure. Une religieuse a été absolument ensevelie sous les débris et elle n’a rien eu !! Causé longuement avec elle, et revenu à la maison vers 5h exténué de fatigue et de chaleur !
Quelle vie monotone et délabrée !! Tout le monde est las et ne voit aucune issue, aucune solution, aucune fin à cela !!!… Beaucoup ne cachent pas que si un miracle ne se produisait pas, ils mourront avant la fin de chagrin et de découragement, et j’en suis de ceux-là !! Le calme, quelques coups de canon ! C’est tout.
Adèle est partie ce matin pour les vendanges de ses parents à Cumières, elle reviendra dans 15 jours. Je reste donc seul avec Lise. La maison est comme morte, car on n’a plus les jabotages de cette « quatre langues » d’Adèle. Çà me repose, mais c’est lugubre. Son tapage donnait malgré tout un peu de vie à cette immense maison.
Je suis de plus en plus triste, je pleure à chaque instant, et je suis angoissé enfin véritablement de mes 2 Grands !! Quelle vie !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 8 – + 13°. Nuit tranquille autour de Reims. Visite de la Duchesse de Rohan. Coups de canons, de mitrailleuses ou de fusils, visite du commandant Schmidt gendre de M. Jacquier de Lyon au dispensaire rue de Louvois. Visite du Commandant du 8e cuirassier qui m’a fait bénir son fanion ; et de 2 officiers qui sont venus faire bénir le leur, avec le P. Pfliger. Dames de la Croix Rouge de Courlandon.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173