Louis Guédet
Jeudi 28 juin 1917
1020ème et 1018ème jours de bataille et de bombardement
1h soir Toute la nuit canon, obus sifflant au-dessus et proches (j’ai dormi quand même) continuant la séance d’hier, et qui a continué jusqu’à 11h1/2. Ce matin temps couvert, lourd, nuageux, pluie à 7/8h/9h et le soleil a repris le dessus, il est en ce moment très lourd et torride. Reçu la visite du R.P. Desbuquois, un fin, très fin, intelligent, vers 9h du matin, et causé jusqu’à 11h. Nous nous comprenons parfaitement bien. Il part pour Paris pendant quelques jours. Plus je cause avec lui, plus je l’étudie, c’est le Père Jenner et le bon abbé Monot mon curé de Perthes réunis. Surtout il me rappelle le physique, le regard sous les lunettes, le son de voix et la finesse du second. Et du 1er il a surtout la bonté, l’élévation d’esprit et aussi (une autre finesse) la finesse un peu rusée. C’est un analyste en même temps qu’un pêcheur d’âme. Sous cette enveloppe frêle, fragile, qui parait timide il y a la flamme d’un zélateur, d’un propagateur d’idées.
Après nous être quittés, reçu mon courrier. 2 lettres de ma pauvre chère femme, (dont nous avons tant causé tout à l’heure) elle ne me dit rien d’important, du moins elle ne me dit rien pour me décourager. J’aime mieux cela. Car (et c’est l’avis du P. Desbuquois) je dois rester ici remplir mon Devoir, (le Devoir que je me suis assigné) jusqu’au bout, ou ce serait tout perdre, du moins moralement.
6h soir Cet après-midi rien. Eté porter mes lettres à la Poste, lu en route le Petit Rémois d’aujourd’hui, où le « Naïf » a fait un article parfait sur les pillages faits par les militaires, qui en prennent pour « leur rhume ». L’article est parfait, mais je ne comprends pas comment l’Otorité Militaire a laissé passer cet article sans être censuré ! Cela me surprend et me dépasse ! Nous ne sommes plus habitués à cette liberté de la Presse ! Est-ce qu’il y aurait quelque chose de changé dans notre État-major (rayé), ont-ils compris enfin qu’on devait nous donner la paix et cesser de nous molester. Qu’ils laissent donc tranquilles les rémois qui ne demandent qu’à vivre.
Le bas de la page a été découpé.
8h soir Ce matin, tandis que je causais avec le R.P. Desbuquois entre 9h et 11h, cela tapait ferme, et j’apprends qu’il y a eu des obus encore sur la Cathédrale, le chevet de la tour nord (ils n’en laisseront point !) et aux abattoirs. Carré d’or, place Royale, Société Générale, place du Chapitre chez l’abbé Compant, autour de l’archevêché, etc…
Je ne sais ce que les allemands ont été aussi rageurs. Car c’est de la rage, ils tirent sans but, sans objectif, à tort et à travers, comme des accès de colère. Si c’était le dernier accès de rage sur Reims et qu’ils partent… !! Hélas ! verrons-nous jamais ce jour-là ?
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
28 juin 1917 – Sifflements, par lesquels on reconnaît des obus de 130, dans la matinée.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Jeudi 28 – + 15°. Soirée violemment agitée jusqu’à minuit (du 28-29) par les deux artilleries. Reste de la nuit tranquille. De 9 h. à 11 h., bombardements par obus autrichiens lourds, on dirait que le globe de la terre éclate ou s’écroule. Orage à 8 h. 30, 5 bombes à l’Enfant Jésus, 5 à la Cathédrale ; 1 chez M. Compant.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 28 juin
Lutte d’artillerie très vive dans la région du monument d’Hurtebise. Les Allemands n’ont fait aucune tentative nouvelle contre les positions que nous leur avons enlevées le 25.
D’après de nouveaux renseignements, parmi les organisations que nous avons conquises ce jour-là se trouve la caverne du Dragon, qui était devenue une véritable forteresse. Un matériel considérable y était accumulé: 9 mitrailleuses en bon état, plus de 300 équipements, de nombreux fusils, des dépôts de munitions, des projecteurs et un poste de secours sont tombés entre nos mains. Le chiffre des prisonniers atteint 340, dont 10 officiers.
En Champagne, Un coup de main ennemi a échoué à l’ouest du mont Cornillet. De notre côté, nous avons exécuté une incursion dans les lignes allemandes vers Maisons-de-Champagne, qui nous a permis de ramener une dizaine de prisonniers.
Les Anglais ont repoussé, avant même qu’elle ne pût se développer, une attaque allemande sur leurs nouvelles positions, au nord-ouest de Fontaine-lès-Croisilles. Ils ont exécuté avec succès un coup de main à l’ouest d’Oppy, en faisant un certain nombre de prisonniers. Ils ont arrêté un raid ennemi près de la Bassée.
Les Italiens ont abandonné quelques positions de première ligne sur le plateau d’Asiago.
Activité d’artillerie sur le front russe.
Venizelos a constitué son cabinet à Athènes.
Source : La Grande Guerre au jour le jour