Louis Guédet
Jeudi 11 janvier 1917
852ème et 850ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Assez beau temps, de la neige la nuit mais qui a fondu dans la matinée. Temps humide, froid.
Le matin fait quelques courses, abbé Camu pour un renseignement notarial, Hôtel de Ville, Houlon pour un domestique pour mon Père. Après-midi audience de réquisitions militaires. Rien de saillant à ce sujet. Toujours la même banalité. Sauf M. Prudhomme (Maison Raymond Aubert) qui ne se cachait pas pour me dire combien on m’aimait à Paris (les rémois), et que l’on ne se cachait pas pour dire : Ah! Notre Guédet, voici l’homme qu’il nous faut ! » – Merci – du compliment, mais çà ne prend pas, car je ne ferais pas de mon plein gré de la Politique. Il faudrait nécessité absolue pour le bien de la Ville pour que je me laisse fléchir.
Durant l’audience on m’apprend la nomination du Procureur de la République de Reims M. Bossu comme Procureur Général à Bastia. J’en suis enchanté pour lui, mais pas pour moi, car il me connaissait et j’avais un appui en lui et un défenseur qui m’aimait. Qu’allons-nous, que vais-je avoir pour nouveau Procureur de la République ?… Là est la question. Je suis attristé de cette séparation, j’aurais aimé me retrouver avec mon cher Procureur, qui m’appelait toujours son Infernal Tabellion, lors de la délivrance de Reims et de la reprise de toute la justice. J’aurais aimé qu’il fût là quand j’aurais déposé ma toge et rendu tous mes services aux juges de Paix de Reims nos messieurs. Enfin il sera dit que tous ceux auxquels je m’étais attaché… me laisseraient seul.
Rentré ici travailler… !… toujours toujours. Je suis fatigué.
Une bien bonne que Payen, mon sous-Intendant nous contait tout à l’heure… il était allé dernièrement à Trigny pour vérifier la sincérité d’une réclamation d’indemnité de réquisition d’un chariot de culture à 4 roues. On se mit d’accord sur le chiffre à payer au propriétaire, soit 1 000 F. Vous croyez que la Commission de vérification de Châlons acceptât ce chiffre sans observation, quoiqu’Intendant et Prestataire fussent d’accord sur ce prix ? Du tout… La Commission, dans sa haute sagesse, déclara ceci :
Nous acceptons de payer le chiffre de 1 000 F pour cette réquisition, mais comme le beau-père du prestataire nous a réclamé indûment 900 F pour une lorgnette, une lunette de précision, et que ce genre d’instrument ne valent que 450 F, nous n’allouerons donc audit propriétaire du charriot que 550 F, et ainsi nous rentrerons dans nos fonds !!… Et allez donc !! Celle-là n’est pas dans une musette. Payen n’a pas pu me dire si l’affaire a été définitivement réglée ainsi !! C’est grotesque. Payen tout le premier en hausse les épaules. C’est non seulement à en devenir antimilitariste, disait-il, mais encore anarchiste !… Je suis de son avis.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 11 – Nuit tranquille ; + 2°. Visite de M. de Sylain, de M. Fendler.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 11 janvier
Lutte d’artillerie intermittente sur la plus grande partie du front, plus active au nord de la Somme, dans les régions de Bouchavesnes et de Cléry et en Argonne dans le secteur du Four-de-Paris.
Sur le front belge, violent duel d’artillerie dans la région de Dixmude. Vers Hetsas, lutte à coups de bombes. L’artillerie belge a réduit au silence les minenwerfer ennemis.
Canonnade habituelle sur le Carso.
Sur le front russe du nord, la lutte continue à l’ouest de Riga (région du lac de Babit). Nos alliés, après un combat acharné, se sont emparés des positions ennemies entre les marais de Tiroul et la rivière Aa : ils se sont avancés de 2 kilomètres vers le sud et ont capturé des prisonniers.
Des contre-offensives ennemies ont été repoussées. Nos alliés, dans les quatre derniers jours, ont pris 21 canons lourds, 11 canons légers, 11 caisses à munitions.
En Valachie, les troupes russo-roumaines ont brisé une série d’attaques. Elles ont fait 335 prisonniers.
M. Briand a remis à M. Sharp, ambassadeur des Etats-Unis la réponse à la récente note de M. Wilson. Cette remise a été effectuée en présence de M. de Beyens, ministre des Affaires étrangères de Belgique.
Source : La Grande Guerre au jour le jour