Louis Guédet
Mardi 28 mars 1916
563ème et 561ème jours de bataille et de bombardement
7h soir Nuit assez calme. Journée de même mais froide et pluie glaciale. J’ai tenu mon audience de simple police à 1h1/2 salle habituelle. 46 affaires inscrites, 44 jugées. J’ai secoué un ou 2 gendarmes. Ils le méritaient. Le bombardement d’hier a été réellement terrible, rien que sur les Déchets il est tombé plus de 20 obus (cette usine de traitement des déchets textiles, dite S.A. des déchets de la fabrique de Reims, était située 14, rue de Venise et 25, rue du Jard). Tout le secteur entre la rue du Jard et le cimetière du sud a été très flagellé. Les obus devaient être énormes car pas une maison qui n’ait été touchée qui ne soit complètement rasée. Tout cela n’est pas pour nous faire voir l’avenir en rose, d’autant qu’on jase beaucoup et qu’on fait courir force bruits plutôt décourageants. On a visité parait-il toutes les caves de la rue de Vesle pour savoir combien elles peuvent contenir de soldats chacune. On parle d’évacuer la Ville, un tas d’on-dit qui sèment plutôt la panique. Pour nous qui résistons à cela et réagissons contre cela. Ce n’empêche que ce n’est pas sans influer un peu sur le moral et les nerfs. Et on n’est plus aussi résistants qu’il y a 19 mois… !…
Que Dieu nous protège et que bientôt je voie la délivrance. J’en ai assez.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
28 mars 1916 – Du Courrier d’aujourd’hui :
Son Éminence le cardinal Luçon.
Le cardinal-archevêque de Reims s’est rendu hier après-midi, accompagné de Mgr Neveux, dans le quartier le plus atteint par le bombardement. Mgr Luçon a prodigué ses paternelles consolations à ses diocésains éprouvés. II a félicité chaleureusement les pompiers qui se sont signalés hier, comme en tant d’autres circonstances, par leur courage et leur adresse.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Mardi 28 – Nuit tranquille ; journée paisible ; + 4. Visite au Général Boyer, à Roederer, à M. le Curé de Ste-Geneviève.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Juliette Breyer
Mardi 28 Mars 1916 – Ce matin en partant en course de bonne heure je regardai les dégâts faits la veille par les bombes quand tout à coup, levant les yeux, j’aperçus Gaston qui se dirigeait de mon côté. Je vis tout de suite à sa physionomie qu’il venait m’apprendre quelque chose. En effet le malheur s’acharne sur nous. Ta mémère, ta pauvre mémère que tu aimais tant est morte hier subitement sans beaucoup souffrir. On a aussitôt envoyé une dépêche à ton parrain. Quel choc quand il va la recevoir. Nous aurons eu tout !
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Alfred Wolff
Pluie, calme, pas d’obus ce matin, les troupes emplissent la ville.
Du 3 septembre 1914 au 20 décembre 1916, Alfred Wolff, maître-tailleur spécialisé dans l'habillement militaire, raconte son parcours et ses journées en tant qu'agent auxiliaire de la police municipale. Affecté au commissariat du 2ème arrondissement (Cérès), il se retrouve planton-cycliste et auxiliaire au secrétariat. Il quitte Reims le 25 octobre 1914 pour Chatelaudren (Côtes du Nord), mais reprend son service à Reims le 6 novembre 1915.
Source : Archives Municipales et Communautaires de la Ville de Reims
Mardi 28 mars
Entre Somme et Avre, aux environs de Maucourt, après un intense bombardement, les Allemands ont tenté sur une de nos tranchées de première ligne un coup de main qui a échoué. En Argonne, lutte de mines à notre avantage à la Fille-Morte. Combat à coups de bombes dans le secteur de Courtes-Chausses. Activité continue de notre artillerie dans le secteur du bois de Cheppy. Nos pièces à longue portée ont canonné les troupes en mouvement dans la direction Exermont-Châtel et fait sauter un dépôt de munitions. A l’ouest de la Meuse, bombardement assez intense sur notre front Béthincourt-le-Mort-Homme-Cumières, ainsi qu’à l’est du fleuve, dans la région Vaux-Douaumont. Rafales d’artillerie en Woëvre (Moulainville et Châtillon). Ici, aucune action d’infanterie n’a été déclenchée. Au nord-est de Saint-Mihiel, nous bombardons la gare et les établissements ennemis d’Heudicourt, au sud de Vigneulles. Nous y provoquons un incendie. Un raid d’hydravions anglais s’est produit sur la côte du Slesvig-Holstein. Un hangar de dirigeables a été bombardé et deux patrouilleurs allemands coulés. Un paquebot, le Minneapolis, a été torpillé. Il jaugeait 13000 tonnes. Il y a onze victimes. La conférence des alliés a clôturé ses séances en proclamant l’unité d’action dans le domaine militaire, politique et économique.
Source : La Grande Guerre au jour le jour