Louis Guédet
Vendredi 24 septembre 1915
377ème et 375ème jours de bataille et de bombardement
8h1/2 matin Nuit calme, après… l’orage d’hier. De la canonnade au loin, vers le camp de Châlons, c’est tout. Ce matin silence absolu. On croirait rêver, après les bourrasques comme celles d’hier. La ville entière a été arrosée, on signale par les obus des dégâts dans tous les quartiers de la ville. Recommenceront-ils aujourd’hui. Je vais à mon audience de conciliation à 9h1/2, ce ne sera pas long je crois.
11h matin Mon audience a été terminée en 1h. Causé avec Porquet, syndic des faillites, et mon greffier en Paix Landréat, qui m’est bien précieux, très actif, très intelligent, il m’est d’un grand secours et me simplifie beaucoup ma besogne en me soulageant de tout le travail matériel. Heureusement que je l’ai, sans cela je ne pourrais y suffire. Nous avons causé des événements, du bombardement d’hier soir qui a fait des victimes et des dégâts. Toute la Ville a été arrosée. Pourvu qu’ils ne recommencent pas ce soir ou cette nuit, car le canon tonne furieusement en ce moment où j’inscris ces lignes, du côté du camp de Châlons, Souain, c’est un roulement continu. Gare ce soir s’ils ont reçu une pile, car pour se venger c’est notre pauvre ville qui écope un bombardement chaque fois. Hier ils ont eu une formidable raclée de la manière dont ils nous ont arrangés !! Enfin attendons, mais cette attente est bien pénible. Serons-nous dégagés ?? Voilà la question que l’on se pose à chaque instant. Repasser un hiver comme le dernier, ce serait bien dur, trop cruel. Y résisterions-nous ? Je ne sais. Car sans qu’on s’en doute les forces diminuent et on s’affaiblit de plus en plus quand même.
6h du soir A 4h1/2 les obus commencent à siffler, il faut descendre à la cave, il en est tombé un peu partout mais peu dans nos environs. Ils tombaient à mon sens plutôt rues Chanzy et Gambetta, ils ne venaient pas jusqu’à nous car on n’entendait pas siffler, du reste il n’y a rien dans la rue.
Le toutou qui est à la maison entend les obus très bien et de loin, on voit ses oreilles suivre la trajectoire, c’est curieux, on pourrait presque dire ou elles tombent. Ce petit chien est très peureux et dès qu’il entend un obus siffler il file à la porte de la cave et pleure tant qu’on ne la lui ouvre pas. Il est toujours le premier descendu. Allons-nous être tranquilles cette nuit. Et demain aurons-nous semblable séance ?… à la même heure ? on ne peut faire de projets et on ne peut rien faire de suivi.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Bombardement et canonnade épouvantable, l’après-midi.
La sérénade infernale commence vers 15 heures, par les départs, espacés d’environ huit à dix minutes, de la grosse pièce entendue hier pour la première fois ; elle se continue ensuite, à partir de 16 h, d’une façon ininterrompue jusqu’à 17 h 1/2.
- Ce jour, paraît-il, ordre aurait été lu aux troupes, de l’offensive générale sur le front.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Vendredi 24 – Nuit tranquille pour Reims. Très violent bombardement sur la ville. 3 soldats tués aux caves Champion : en tout, cinq personnes tuées sur le coup, la 6ème, blessée, est morte le dimanche 26, raconte Elvire capitaine des pompiers. De 3 1/2 à 5 h. 1/2, les Allemands visaient les batteries ; réception des petits paquets du Soldat, envoyés par M. Cottard- Josserand. Via Crucis in Cathedrali.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 24 septembre
La lutte d’artillerie se poursuit en Artois et spécialement autour de Souchez et de Neuville. Les Allemands ont jeté sur Arras et les environs des obus incendiaires qui ont allumé des foyers rapidement éteints. Lutte de bombes et de grenades à Quennevières. Canonnade réciproque en Champagne, à la lisière de l’Argonne.
Tir efficace de nos batteries entre Meuse et Moselle; lutte de bombes et de torpilles en forêt d’Apremont.
En Lorraine, nous bombardons les positions allemandes au nord de Nomény, et près d’Emberménil, de Leintrey, de Gondrexon et de Domèvre.
Un dirigeable français a bombardé plusieurs gares pour paralyser des mouvements de troupes ennemies. Nos avions ont opéré au-dessus des gares d’Offenbourg, de Conflans et de Vouziers, au-dessus des cantonnements de Langemark et de Middelkerke.
Les Russes ont pris une vigoureuse offensive dans la région au nord-ouest de Minsk et capturé des groupes ennemis, tandis que d’âpres combats se déroulent près de Dwinsk.
Les Italiens ont progressé dans plusieurs vallées alpines.
En réponse aux préparatifs qu’on signale en Bulgarie, la Grèce prend des mesures de défense.
Le congrès libéral de Moscou (assemblées provinciales et municipales) a décidé d’envoyer des délégués au tsar.
Source : la Grande Guerre au jour le jour