Louis Guédet
Samedi 22 mai 1915
252ème et 250ème jours de bataille et de bombardement
11h matin Beau temps lourd, orageux. Toujours le grand calme impressionnant. Je pars à 1h. Dérangé continuellement. Pourvu qu’il n’arrive rien durant mon absence et qu’enfin je triomphe de tout et de tous.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Vers midi, ne trentaine d’obus s’abattent brusquement en ville, principalement sur le centre.
Le premier, tombe dans les ruines de l’ancien magasin de vêtement Gillet-Lafond, place Royale ; le deuxième éclate presque aussitôt sur le pavé devant la maison Hennegrave (anciennement Petitjean) également place Royale, à l’angle gauche de la rue Cérès. Un caporal du 291e d’Infanterie est tué là et deux soldats blessés, dont l’un très grièvement au ventre ; l’autre à la tête. En même temps qu’eux, un civil a été atteint.
On s’empresse à l’instant où je passe, sortant du bureau. Au coin de la rue Bertin et de la place, une marre de sang épais indique l’endroit où se trouvait le malheureux caporal quand il a été touché derrière la tête ; on l’avait transporté à côté, dans l’impasse, d’où on l’enlève ; une partie de sa cervelle est restée sur le pavé. L’auto des hospices emmène les soldats, tandis que la voiture de la Croix-Rouge prend le passant et deux autres personnes, atteintes probablement par des éclats de glace, dans le magasin de pain d’épice où elles se trouvaient quand se produisit l’explosion ; l’une d’elles porte dans les bras un bébé de quelques mois et tous sont couverts de sang.
Après quelques jours de calme, la vie de ce triste et poignant tableau ramène brutalement à la réalité des choses.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Samedi 22 – Nuit silencieuse, sauf quelques coups sourds vers 9-10 h soir, canons ou mines(1) ? A 11 h 1/2 bombardement violent pendant une demi-heure. Visite de M. Garnier, neveu de M. Letourneau. Une bombe au Grand-Séminaire éventre le Donjon. Un artilleur tué Place Royale. Une femme blessée dans sa voiture ainsi que sa fille. 5 h, aéroplane contre lequel on ne tire pas, donc français (?).
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Les mines terrestres étaient des dispositifs explosifs mis en place sous les positions ennemies par des galeries de mines et qui étaient chargées par un tonnage d’explosif parfois considérable. Le résultat était un cratère impressionnant engloutissant hommes et installations – comme à Berry-au-Bac, à la cote 108, à Vauquois et à la Ferme d’Alger, devant La Pompelle.
Les troupes britanniques ont réalisé quelques progrès au nord de la Bassée.
Sur les pentes sud de Notre-Dame-de-Lorette, nos troupes ont prononcé une attaque qui a donné de brillants résultats. Le massif de Lorette et ses contreforts sont désormais tout entiers en notre pouvoir; nous avons aussi conquis la partie d’Ablain où les Allemands tenaient encore. Nous avons pris 250 hommes et un canon.
Le Sénat italien, à l’unanimité de 281 votants, a approuvé à son tour la politique de M. Salandra. Une grande manifestation pour la guerre a eu lieu devant le Quirinal.
L’état-major autrichien a fait couper les voies et interrompu le service postal à la frontière vénitienne. L’ambassadeur italien, M.Bollati, a été insulté à Berlin.
Les combats redoublent de violence entre Russes et Austro-Allemands, aussi bien dans les provinces baltiques qu’en Galicie occidentale et qu’en Bukovine, sans qu’une solution soit encore intervenue. Mais les ustro-Allemands perdent, en moyenne, 10000 hommes par jour.