Louis Guédet
Jeudi 1er avril 1915 jeudi saint
201ème et 199ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Gelée la nuit, soleil radieux dans la journée, quelques bombes l’après-midi. Reçu lettre fort triste de ma pauvre femme, qui est réfugiée à Yerres (Seine-et-Oise) avec sa belle-sœur dans la propriété du frère de cette dernière, en attendant de savoir si elle pourra aller à St Martin, chez mon Père.
Rencontré tout à l’heure l’abbé Dupuit, curé de St Benoit, qui est là-bas tout seul sous les bombes. Il est aussi fort découragé. Il désespère de voir les allemands partir de France et encore moins de Reims, et il se demande comment cette guerre finira. De plus il est écœuré de la conduite des soldats français qui ne respectent rien. Tout cela est bien triste, navrant. Verrons-nous la fin de nos maux, et nous voilà dans le 8ème mois de notre martyre.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Un aéroplane allemand paraît avoir pris, depuis quelque temps l’habitude de venir jeter des bombes en ville.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Jeudi-Saint 1er – Nuit troublée. Canonnade ou bombardement ? assez violent de 10 h à 12 heures. Aéroplanes et bombes vers 7 h.
Office in Coena Domini, Bénédiction des Saintes Huiles à Sainte-Geneviève, avec toutes les dispenses pour le nombre d’assistants, chant, etc. que demandaient les circonstances, et obtenues de Rome. L’office commença vers 8 h. Une grosse bombe tomba et éclata avec fracas à peu de distance. Ce fut tout. L’après-midi assez troublée vers 8 h.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Et pendant ce temps là :
- 1er avril : le Français Roland Garros abat un appareil allemand avec une mitrailleuse montée sur son avion. C’est la première victoire aérienne avec une arme solidaire de l’avion.
Roland Garros ne fut pas un champion de tennis mais l’un des plus grands pionniers de l’aviation. C’est dans les cieux qu’il exercera ses talents …
Jeudi 1er avril
Combat d’artillerie en Champagne autour de Beauséjour et de Villes-sur-Tourbes. Activité incessante en Argonne, spécialement entre le Four-de-Paris et Bagatelle. Nous avons enlevé 150 mètres de tranchées et fait des prisonniers. L’ennemi a bombardé, au bois Le Prêtre, les positions qu’il avait perdues. Il a attaqué en force, mais la lutte a tourné à notre avantage. Combats d’avant-postes près de la forêt de Parroy (Lorraine). Nos aviateurs ont lancé des bombes sur des bivouacs ennemis en Woëvre, en Champagne, dans le Soissonnais et en Belgique. La gare maritime de Bruges et le camp d’aviation de Gits ont été bombardés avec succès.
Les Russes refoulent les Allemands à l’ouest du Niémen, en faisant de nombreux prisonniers. Même succès en Pologne, plus au sud. Dans les Carpates, la progression de nos alliés est irrésistible. 5500 Autrichiens sont tombés entre leurs mains. Les Allemands évacuent la région d’Ossovietz. Leur flotte a bombardé Libau, en Courlande, sans résultat appréciable. Le major Morath, le premier critique militaire d’outre-Rhin, admet que la Hongrie est fortement menacée.
Les sous-marins allemands – ils seraient dix maintenant dans la Manche – ont coulé deux vapeurs anglais : le Flaminian et le Crown of Castille. Le City of Cambridge, bien que criblé d’obus, a pu leur échapper.
Source : La Grande Guerre au jour le jour