Paul Hess
Comme but de promenade matinale, le 14, je choisis la rue Lesage et je remarque des trains, transportant avec un lourd matériel, des artilleurs du 4e à pied. Il y a là, sur les trucks des pièces de 155, des caissons, une grande échelle sur roues, etc.
Le lait nous fait défaut ce jour, car les vaches de toutes les communes des environs ont été réquisitionnées pour être parquées au Port-sec.
Jusqu’à présent, nous ne constatons pas d’augmentation sensible sur le prix des denrées. Hier soir, à la criée, où les commissaires priseurs sont remplacés par Elie, leur crieur, j’ai payé le bœuf 1.20 F le kilo, prix plutôt exceptionnel en temps ordinaire.
Depuis le début de la guerre, le temps s’est mis au beau ; il fait une chaleur accablante.
Le soir, on fait savoir aux volontaires délivrant des « laissez-passer » qu’ils pourront se rendre libres le 15 et le lendemain dimanche.
Paul Hess dans La Vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918
Nous continuons à progresser à la frontière des Vosges. Après le col de Saâles, nous avons occupé la ville de ce nom et, sans pertes sérieuses, nous avons infligés à l’adversaire un échec signalé. Beaucoup de soldats se sont enfuis en abandonnant leurs uniformes.
Prés de Château-Salins, en Lorraine annexée, à Chambrey, nous avons surpris et décimé deux compagnies bavaroises.
On apprend que les flottes anglaise et française, ayant terminé la mission spéciale qui leur avait été dévolue, pendant les transports de troupes – dans le Pas de Calais, la Manche et la Méditerranée- vont prendre l’offensive.
La concentration des troupes alliées doit être assez avancée en Belgique, car le général French, le généralissime anglais, est attendu à Paris, d’où il ira rejoindre le front.
Nouveaux succès des Belges : 200 de leurs cyclistes militaires mettent en fuite 400 soldats allemands après leur avoir tué et blessé beaucoup de monde.
Nos aviateurs ont remporté de brillants avantages sur les aviateurs allemands, qui se dérobent autant qu’ils le peuvent au combat.
Le gouvernement a décidé de faire paraître un bulletin des armées de la République, afin de porter à la connaissance des soldats tous les événements qui se produisent sur la frontière. Il ajourne le paiement de certains loyers.
La Turquie n’a pas, comme on l’avait dit, débarqué les équipages allemands du Breslau et du Goeben : elle les a laissés à bord. C’est une véritable provocation.
D’après des informations sérieuses, le Japon va déclarer la guerre à l’Allemagne. Il s’efforcera alors, et ce lui sera facile, de prendre les possessions germaniques de Chine et détruire l’arsenal de Kiao-Tcheou, sur lequel le cabinet de Berlin fondait des espérances illimitées.