Louis Guédet

Samedi 28 septembre 1918

1478ème et 1476ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Temps gris couvert, froid. Journée triste d’automne. On voyait hier soir beaucoup de lueurs vers Souain où est ce pauvre Robert, mais on n’entendait aucun canon. Nos américains sont fort calmes mais impossible de savoir à quel régiment d’infanterie ils appartiennent. Causé hier soir avec un soldat qui était de la Province du Maine parlant très bien le français, du reste il est d’origine française. Il se nomme Goudreau, nom bien français de la Normandie. Du reste il m’a dit que son arrière grand-père était venu en Amérique avec La Fayette. Il parlait très purement le français avec un léger accent…  normand ! Ce qui m’a surtout frappé. Je suis las, fatigué, découragé au-delà de toute expression. Je n’aurais jamais la force et le courage de retourner à Reims s’il était dégagé cette fois. Et puis qu’y aller faire ? Y trouver un cimetière ! Tout cela me ferait trop souffrir et je me sens à bout de forces.

4h soir  Peu de courrier, mais qui m’a occupé jusqu’à maintenant. Pas de nouvelles des enfants. Nous avons avancé en Champagne, mais peu. Nouvelle sensationnelle (?) annoncée par les journaux du matin. Les Bulgares demanderaient la Paix, et un armistice pour se reformer sans doute et nous tomber dessus ensuite. Tout est possible de la part de ce Ferdinand de traitre ! Franchet d’Espèrey  a refusé d’arrêter ses opérations tout en disant à Ferdinand qu’il recevrait volontiers ses émissaires ! mais pas de suspension d’armes. Pour une fois (rayé). Franchement désespéré a fait quelque chose de propre ! mais attendons ! avec ce pierrot-là on ne sait jamais, c’est comme Foirdinand !

5h1/2 soir  Revenu de Vitry-la-Ville porter mon courrier et prendre des mandats. Rien appris. On entendait le canon au loin ! C’est tout. André et Maurice sont allés à La Chaussée voir les de Vaucresson. J’ai hâte d’avoir des nouvelles de Robert, pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé. Ces angoisses journalières et continuelles me tuent.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Samedi 28 – Retour à Maulevrier.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Samedi 28 septembre

Les armées françaises et américaines ont attaqué en liaison de part et d’autre de l’Argonne.
Sur le front de Champagne, nous avons avancé de plusieurs kilomètres et progressé jusqu’aux environs de la Dormoise. 7000 prisonniers sont tombés entre nos mains.
L’armée américaine a opéré au nord-ouest de Verdun, sur un front de trente-deux kilomètres. Elle s’est avancée de onze kilomètres en moyenne. Ses différents corps ont pris Varennes, Montblainville, Vauquois, Cheppy, malgré une résistance acharnée et enserré le bois de Forges, Malancourt, Béthincourt, Montfaucon, Cuisy, Nantillois, Septsarges, Dannevoux, Gercourt, Drillancourt. 5000 prisonniers ont été dénombrés dès la première journée.
Sur le front de Macédoine, les opérations ont été particulièrement heureuses.
Le massif de Belès a été enlevé, la frontière bulgare franchie à Kosturino, les hauteurs de Gradetz-Planina atteintes, la ville d’lstip conquise et dépassée par les Serbes, qui s’approchent de Vélès, les troupes ennemies obligées d’évacuer leurs positions au nord-ouest de Monastir. Plus de 10000 prisonniers ont été dénombrés, plus de 200 canons capturés.
Le roi de Bulgarie a demandé une suspension d’armes en offrant d’envoyer des délégués au quartier général allié. Le général Franchet d’Esperey a refusé l’armistice, mais accepté de recevoir les délégués.

Source : La Grande Guerre au jour le jour