Louis Guédet

Dimanche 4 août 1918

1423ème et 1421ème jours de bataille et de bombardement

11h matin  Pluie battante toute la nuit, ce matin nuageux, lourd. Des bains et ondées de temps en temps. Nos Chasseurs partent ce soir, parait-il, et s’embarquent à Vitry-la-Ville pour je ne sais où, les uns disent pour Verdun, le 408e qui cantonnait ici aussi y est allé, les autres vers la Somme. Bref on ne sait rien. Messe militaire en musique, dit-on, en ce moment.

8h soir. Reçu visite d’un soldat du 15e Chasseur à Pied, que nous cantonnons, 3e Compagnie,  secteur postal 184, qui venait me demander des renseignements sur la succession de sa tante, Mme veuve Cauchy, 9 – 11,  à Reims, tuée en avril/mai 1917 sur la place St Thomas où son cadavre est resté toute une journée sur place, fouillé et volée par la troupe (des infirmiers) et sa maison cambriolée par les mêmes : 20 à 30 000 F de valeurs ont disparues. Je lui ai promis de lui donner les renseignements complémentaires que pourraient me donner Landréat qui a fait le procès-verbal de description de l’appartement au lieu d’une apposition de scellés parfaitement inutile en présence des pillages qui se produisaient chaque fois qu’un décès survenait. J’avais pris pour principe depuis avril 1917 et en présence de ces scènes de désordre de ne plus apposer de scellés. Je perquisitionnais généralement à fond, j’enlevais tout ce qui était précieux, et ainsi je sauvais la mise. Car apposer des scellés !? Ceux-ci étaient immédiatement sautés sous l’œil paterne des officiers ! Comme j’entretenais ce brave garçon qui est boulanger de son état dans les Vosges, père de famille, le Commandant Boucomont est survenu. Sa belle-famille est de Lille d’après ce que j’ai pu comprendre, c’est un homme assez distingué. Son beau-père avait été mis dans un camp de représailles à Vilna, il vient d’être rapatrié. On les avait internés dans une écurie et entassés de manière à ne pas avoir le cube d’air suffisant… Le commandant paraissait estomaqué de ce que je lui disais au sujet des pillages ! Et cependant je ne lui ai pas tout dit… Il paraissait très bien, quoiqu’il ne soit pas très aimé de ses hommes qui adoraient son prédécesseur, le Commandant Fournier, gendre du Général Foch. Ce bataillon a été 6 mois en Italie, six mois charmants qu’ils regrettent amèrement, et retourner ici en France ils la trouvent dure. Ils partent demain soir, ils ne savent pas où, quoiqu’on parle d’une attaque américaine vers Mulhouse.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils


Cardinal Luçon

Dimanche 4 – Prières publiques à Notre-Dame de Paris. Présents tous les Ambassadeurs étrangers : Angleterre, Italie, États-Unis, Grèce, Montenegro, Serbie, Roumanie, Japon : La France n’y avait pas de représentant officie l!!!

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Dimanche 4 août

Au nord de l’Ourcq, nos troupes, en liaison avec des unités britanniques, ont rejeté l’ennemi des positions qu’il occupait entre le Plessier-Huleu et la rivière. Nous avons enlevé la hauteur au nord de Grand-Rozoy, dépassé le village de Beugneux, atteint Cramoiselle et Cramaille, réalisant sur ce point une avance d’environ 3 kilomètres. 600 prisonniers sont restés entre nos mains. Plus au sud, nous avons pris Cierges et le bois Meunière.
Au nord de la route de Dormans à Reims, nous avons, par une lutte acharnée, conquis le village de Romigny et fait une centaine de prisonniers.
Le nombre total des prisonniers que nous avons faits sur ce front du 15 au 31 juillet, monte à 33.400, dont 674 officiers.
Les Anglais ont fait des prisonniers dans le voisinage de Festubert. Au nord d’Albert, ils ont exécuté un raid heureux, capturant 16 prisonniers et une mitrailleuse.
Activité de l’artillerie ennemie au sud de la Somme et au sud d’Ypres; au nord de Béthune et à l’est d’Hazebrouck.
Canonnade en Macédoine sur le Vardar. Échec bulgare dans cette région sur le front anglais.
Activité de patrouilles sur le front serbe.
Notre aviation a jeté des explosifs sur les campements du Devoli, et l’aviation anglaise a bombardé la gare de Petric.

Source : La Grande Guerre au jour le jour