Louis Guédet

Mardi 4 juin 1918                                                          

1362ème et 1360ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Été à Châlons à 6h du matin. Peu de retard, les rares trains marchent assez régulièrement. Chaleur terrible, mais néanmoins avec de l’air. Châlons est un désert. En arrivant j’apprends que l’explosion que nous avions entendue la nuit provenait d’un wagon d’explosifs qui avait sauté à Avize, rasant la Gare. Des victimes parait-il. Les journaux que je trouve ne disent rien sinon que la situation parait se stabiliser. Espérons-le. Partout où je vais, administrations militaires ou civiles, on fait ses paquets ! C’est réjouissant !!! A la Préfecture vu M. Millet, chef du 1er Bureau, qui lui est confiant et regrette la circulaire du Préfet priant les habitants de prendre leurs mesures en cas d’évacuation pour diriger leurs bestiaux vers Sézanne et leur matériel de culture vers Vitry-le-François. M. Millet me disait que lui ne l’aurait pas fait, mais le Préfet est…  très nerveux, et ses secrétaires généraux des génies, arrivés tout nouvellement, encore plus ! Est-ce que de ce côté nous reverrons les fuites d’août 1914. Au Bureau militaire de Reims, on emballe ! Bruge (rayé) en tête. Quant à François, lui était déjà filé du matin : (rayé) ! Il n’y avait que mon brave Croquet qui conservait son sang-froid. Vu là Stroebel, avoué à Reims, qui est sous-lieutenant d’Intendance, attaché à la mise au point de tous les dossiers de réquisitions ! Lui m’a étonné, car il paraissait « Faire assez ». (Rayé) mais il est convaincu que rien ne se produira de notre côté. Que Dieu l’entende ! A la Trésorerie Générale, à la Banque de France, le calme. Rencontré M. Bauny, Directeur de l’Enregistrement et M. Thomas. Ils évacuent leurs archives mais ils sont calmes ! Déjeuné « au Renard », désert (le restaurant a fermé en 2017, mais l’Hôtel existe toujours) ! Les beaux uniformes des embusqués de marque ont disparus !! Je déjeune tranquillement au moins ! Tâché de voir le Commandant Barot à l’État-major du 6e Corps, pas trouvé. Par lui j’aurais eu quelque chose de certain, cela m’a ennuyé un peu. Rencontré Dondaine, et vu sa femme, avec Neveux, clerc de Labitte qui suivaient le wagon contenant nos archives, celles de la Chambre des Notaires et celles de Labitte qui vont être dirigées sur Troyes où ils tâcheront de trouver un local, sinon ils fileront plus loin. Je leur ai donné carte blanche. Dondaine est toujours très courageux, magnifique d’endurance…

Le bas de la page a été découpé.

…Pas de nouvelles de mon Procureur qui a laissé Dondaine se débrouiller. Jonval est parti, sur ordre du Tribunal qui…  certainement a dû suivre en…  vitesse !! Texier, Bouvier, Delaunay en tête !! Le Président Hù lui avait déjà pris ses mesures il y a 9 semaines ! Enfin !! Je vais voir ce qu’Osmont va faire !… Sera-t-il aussi crâne que son prédécesseur Bossu ?

A la Gare, cohue indescriptible, des troupes et des évacués !! C’est navrant ! désolant, décourageant ! On est obligé de se raidir pour résister à tout cela !

Dondaine me disait qu’on avait des nouvelles de Colin, notaire à Ville-en-Tardenois, qui avait pu évacuer ses archives ! Pas de nouvelles de Legrand juge de Paix de ce canton, ni de Bruneteau ! notaire à Fismes ? Qu’est-il devenu ?

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mardi 4 – Entre minuit et 1 heure, une bombe sur le village. Vers 3 h. matin, série de bombes sur le village. Retour du prêtre qui a accompagne les reliquaires. Journée tranquille à Hautvillers. Brûlé avec beaucoup de chagrin et de regret des lettres de nos amis et des écrits ou projets de moi.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 4 juin

Nos troupes ont poursuivi leurs contre-attaques sur tout le front compris entre l’Ourcq et la Marne et réalisé plusieurs avances en divers points.
Une violente attaque ennemie, lancée de part et d’autre de la route de Château-Thierry à Paris, a été brisée par nos feux au sud-est de Bouresches. Partout ailleurs, nous avons maintenu nos positions. Les pertes subies par l’ennemi au cours de ces actions ont été lourdes. Nous avons fait une centaine de prisonniers.
Les Anglais ont exécuté des opérations locales dans le voisinage de Vieux-Berquin et de Merris. Ils ont avancé un peu leur ligne sur ces deux points, fait 193 prisonniers et capturé un certain nombre de mitrailleuses et de mortiers de tranchées. Leurs pertes sont légères.
D’heureux coups de main, exécutés au sud-est d’Arras, au nord-est de Lens et à l’ouest de Merville, leur ont valu vingt prisonniers, trois mitrailleuses et un mortier de tranchée.
Une tentative de raid ennemi a été brisée près de Villers-Bretonneux.
Sur le front italien, un détachement britannique a pénétré dans la ligne ennemie, infligeant des pertes notables a l’adversaire.

Source : La Grande Guerre au jour le jour