Louis Guédet

Vendredi 10 mai 1918                                                 

1337ème et 1335ème jours de bataille et de bombardement

7h soir  Du brouillard le matin, mais beau temps chaud le jour. Parti avec ma femme, Maurice et André à 5h1/2 du matin pour prendre le train, Melle Fournier nous accompagnait, heureuse de pouvoir avoir des porte-respects (chaperons). Je laisse mon monde à la Gare de Châlons et je remonte avec mon officier d’administration. A Épernay je fais mes courses au Crédit Lyonnais, au Tribunal pour les photos de Raux, il va quitter Épernay. De là au Palais, peu de répondants, à 10h1/2 c’était fini.

Vu le Président qui m’a laissé pressentir son départ du Tribunal de Reims. Ce serait, si je l’ai compris, M. Bouvier, Vice-président qui le remplacerait à la présidence. Je ne sais où lui il ira et ce qu’il aura. Vu le Procureur de la République, toujours charmant. Causé longuement avec lui d’Herbaux ancien Procureur Général, qui est revenu à la Cour de Cassation, au dernier rang, car quoiqu’ayant été déjà Conseiller à la Cour, par le fait qu’il était passé Procureur Général à Paris, il perdait son Droit d’ancienneté en cassation.  N’empêche que je l’aimais bien. Il estime  beaucoup M. Lescouvé le nouveau Procureur Général… Je le quittais après qu’il m’ait fortement conseillé d’aller voir Lescouvé à mon prochain voyage à Paris. Le Président Hù de même qui m’a conseillé aussi d’aller voir Leroux le Directeur du Personnel et Directeur du cabinet du Garde des Sceaux. Eté à l’Enregistrement rue du Donjon 59 (actuellement rues Jean Chandon-Moët et Henri-Martin), et revenu au Buffet déjeuner avec mon Intendant.

Au moment de prendre le train le Docteur Langlet, chargé comme un mulet, fait comme un brigand de Calabre, arrivait de Reims où il avait été visiter la Ville et déménager quelques meubles. Détails navrants ! odieux ! c’est tout dire, on autorise quelques habitants à rentrer à Reims. Mais le mal est fait ! Voyagé avec lui. Je l’ai bien amusé en lui contant l’aventure arrivée au Comte de Riocour du château de Vitry-la-Ville : un commandant du 54e d’Artillerie loge actuellement au château et se trouvait tellement bien qu’il n’a rien trouvé de mieux que de faire venir sa femme et ses 4 enfants qui se sont installés au château ! sans en prévenir les châtelains qui étaient là !! On ne peut être plus sans-gêne !! (Rayé). Sans commentaires.

Appris la décoration du Docteur Hoël comme Chevalier de la Légion d’Honneur, bien méritée celle-là. C’est le seul médecin de Reims qui y soit resté depuis le 1er septembre 1914 jusqu’au 25 mars 1918. Voilà longtemps qu’il aurait dû recevoir son Ruban. Félicité le Docteur Langlet nommé Officier de la Légion d’Honneur, c’est bien. A la descente du train à Vitry-la-Ville salué le fils du Docteur Langlet et sa jeune femme, fille du Docteur Hoël, que j’ai félicité très cordialement.

Rentré à St Martin assez fatigué. Appris par Dondaine que Jolivet venait d’être nommé lieutenant. J’en suis heureux pour lui.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Vendredi 10 – Repris la Somme de St Thomas comme sujets de méditation. Ire partie question 95 art. 1. Visite du Général Feraud-Chanzy(1), avec un commandant et un officier ou aumônier. Le Général a la tête enveloppée à cause d’une blessure reçue par suite d’un accident d’automobile. Via Crucis in Ecclesia. Visite du Colonel du 463e avec un Commandant et M. Denais. Arrivée des reliquaires de Ste Clotilde de Reims (Saints des diocèses de France) et de M. Camu. Écrit à Sr Germaine (Union Remo-Ardennaise).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

(1) Le général Féraud commande le 1er Corps de cavalerie en 1918. Il était le gendre du général Chanzy dont il accolait volontiers le nom au sien.

Vendredi 10 mai

Vives actions d’artillerie de part et d’autre, au nord et au sud de l’Avre. Une patrouille ennemie qui tentait d’aborder nos lignes, dans la région de la Chapelle-Saint-Aignan, a été repoussée.
Dans le secteur la Clytte-Voormezeele, des contre-attaques heureuses, déclenchées par les troupes britanniques et françaises, ont réussi à repousser l’ennemi des positions de première ligne dans lesquelles il avait pénétré dans la matinée. L’ancienne ligne a été rétablie. Nos alliés ont fait des prisonniers.
L’ennemi a attaqué au nord de Kemmel. Il a réussi à avancé légèrement sur un point où la lutte se poursuit.
Deux divisions allemandes ont participé à l’attaque de la veille. Elles ont subi de très lourdes pertes.
Des combats locaux autour de Bucquoy ont permis à nos alliés de faire trente prisonniers.
Ils ont réa1isé des progrès entre Somme et Ancre, et fait des prisonniers en améliorant leurs positions.
Des attaques ennemies ont été repoussées près de Lens et de Menin. Activité de l’artillerie allemande dans le secteur d’Albert.
Les troupes anglo-britanniques ont occupé en Mésopotamie, Kirkouk, entre Bagdad et Mossoul.

Source : La Grande Guerre au jour le jour