Louis Guédet

Mercredi 1er août 1917

1054ème et 1052ème jours de bataille et de bombardement

4h soir  Nuit froide et calme. Beau temps cette journée-ci, calme. Ce matin rien d’autre que ma visite à la Cathédrale (à 11h avec le Docteur Hoël) dans laquelle je n’étais pas entré depuis octobre 1914 !!! Quels changements ! Quelles tristesses !! Quelles ruines ! Des ouvriers travaillent à l’enlèvement des décombres, et des ouvriers de Paul Simon, sous la direction de son fils Jacques Simon (Maitre verrier, fils d’une dynastie de vitraillistes, il a participé au sauvetage et à la mise en place de nombreux vitraux de la Cathédrale de Reims (1890-1974)) recueillent, rassemblent les débris des vitraux et tâchent de les reconstituer tant bien que mal ! Il y a. La voûte est percée à 4 endroits différents, 1 trou dans la nef à la hauteur du labyrinthe, entre la chaire brisée et la grille du chœur, un autre formidable au-dessus du maître-autel qui est disparu sous les décombres, (une montagne de pierres !) un autre au-dessus de la chapelle de St Joseph, et le dernier, formé de plusieurs dans la voûte de transept sud, la colonne qui forme le coin de l’autel du calvaire près de la sacristie a failli céder. On a été obligé de faire des travaux de soutènement. Les fonds baptismaux sont broyés. Au coin de la porte latérale sud, à peu près en face de la chaire (porte que j’ai toujours vue fermée) on a placé le 320 non éclaté, il a un mètre de haut ! On se demande comment les pierres désagrégées, les voûtes béantes tiennent encore ! C’est lamentable ! Pourra-t-on jamais refaire tout cela, je n’ose le croire. Et puis ce n’est pas fini. Ils sont encore là et leur rage ne s’arrêtera pas. Je suis rentré tout attristé de ce que j’ai vu. Après-midi fait quelques courses !!

Je lis dans l’Écho de Paris la nomination comme chevalier de la Légion d’Honneur de (rayé) actuellement (rayé) formidable qu’il prenait ici soit (rayé) soit (rayé). Enfin (rayé) que passer et se (rayé et troué) qui n’ont jamais quitté (rayé) depuis 3 ans ! Exemple le Docteur Hoël à qui j’en causais ce matin : il prétend que le Docteur Langlet, le Maire, le beau-père de sa fille, ne veut pas le proposer afin qu’on ne dise pas qu’il fait du népotisme. Je crois que c’est exagéré. Car Hoël méritait plus d’être décoré que le Docteur Gaube, et Mmes Luigi et Tonnelier. Enfin, il ne faut pas chercher à comprendre, ou plutôt on comprend trop bien.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

1er août 1957 – Bombardement, vers 13 h 1/2.

Reprise, à 18 h 1/2, sur le centre de la ville. M. Guemier, con­seiller municipal, est blessé, place des Marchés.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

La place des marchés, actuelle place du Forum

Cardinal Luçon

Mercredi 1er – + 15° à peine. Nuit tranquille. Expédié lettre au Vatican avec Note réfutant la lettre allemande. Tout à coup obus autrichiens (sur batteries). Visite du Major de la Place, le Colonel qui m’avait demandé la permission de revenir souvent. Le Capitaine qui l’accompagnait prend une photographie, c’est un ami de M.de Marcillac, secrétaire à l’Archevêché de Tours. Après-midi, bombes fréquentes sur la ville (1er mai). Visite du Major de la Place, très bienveillant. Visite et prédication au Salut du 3e bataillon du 174e(1), Aumônier M. Brousse, à Tinqueux. Pendant le dîner avec les officiers, vers 8 h. 30, bombardements de points très voisins : tout danse sur la table. Rentré à 9 h. 30. Nuit bruyante et sifflante jusqu’après minuit.

(1) Il existait en 1914 173 régiments d’Infanterie. Le 174e est le premier des régiments éphémères créés au cours de la guerre
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 1 août

Après avoir opéré le passage du canal de l’Yser, nos troupes ont attaqué, en liaison à leur droite avec les armées anglaises.
La préparation d’artillerie avait nivelé les organisations allemandes et fait éprouver de lourdes pertes aux défenseurs. Nos troupes ont enlevé les deux positions de l’ennemi et dépassé spontanément l’objectif qui leur avait été assigné. Elles ont progressé sur la route de Lizerne à Dixmude, enlevé le village de Bixchoote et le cabaret Kortekert. Nos pertes sont des plus minimes. Nous avons pris un important matériel et fait des prisonniers. Le sol est jonché de cadavres allemands.
Sur l’Aisne, canonnade très violente. Une brillante opération a été faite par nous au sud de la Royère. Les objectifs fixés ont été dépassés. 210 prisonniers ont été capturés. Une contre-attaque ennemie à l’ouest de l’épine de Chevregny a été repoussée.
Une autre attaque ennemie a eu lieu à l’est de Cerny, sur une largeur de 1500 mètres. Elle a été refoulée tandis que nous progressions sur tout le front.
Les Anglais ont avancé sur un front de plus de 24 kilomètres, entre la Basse-Ville, sur la Lys, et Steenstraete, sur l’Yser. Leur avance, sur beaucoup de points, atteint 3 kilomètres en profondeur. Plusieurs villages ont été enlevés. 3500 prisonniers ont été dénombrés.

Source : La Grande Guerre au jour le jour