Louise Dény Pierson

27 septembre 1915 ·

Durant ces vacances j’avais écrit une lettre à mon beau-frère, sans avoir de réponse.

Celles écrites par ma sœur le sont également.
Il sera porté disparu à la date du 12 octobre, suite à l’offensive de Champagne du 25 septembre 1915, la première grande bataille engagée depuis la guerre de tranchées, qui nous vaudra de lourdes pertes sans aucun résultat.

Ce texte a été publié par L'Union L'Ardennais, en accord avec la petite fille de Louise Dény Pierson ainsi que sur une page Facebook dédiée :https://www.facebook.com/louisedenypierson/

 Louis Guédet

Lundi 27 septembre 1915

380ème et 378ème jours de bataille et de bombardement

8h matin  Le canon et la fusillade ne nous ont guère laissé dormir cette nuit, à chaque instant j’étais réveillé par un bruit incessant et formidable, ajoutez à cela une pluie torrentielle ! Pauvres soldats !! Les journaux confirment les mêmes annonce que hier…  mais après ?…  C’est quelque chose…  mais ce n’est pas la victoire ni la défaite de l’Ennemi ! Il faudrait qu’il soit culbuté, percé…  Je suis triste ce matin. J’ai pleuré en me levant, je ne sais pourquoi, si en songeant à tous les miens, et à ce qu’ils leurs adviendront par la suite, comment suffirai-je à leurs besoins, comment les abriterai-je, où ? Reims délivré bien, mais je ne serai pas délivré de nos soucis, hélas !…

6h1/2 soir  Calme complet. Quelques schrapnels, rien en un mot. Je crois que réellement il y a quelque chose de changé chez les allemands, après un échec comme celui qu’ils viennent de subir. Reims devrait n’être plus qu’un monceau de Ruines…  mais non. Vu cet après-midi M. Beauvais, Directeur de l’École professionnelle pour une allocation militaire en appel, sur laquelle le Procureur de la République me demande un renseignement. Là M. Caron (à vérifier), secrétaire de la commission d’appel a été trop loin en écrivant sur une lettre de recommandations au Procureur !! Je crois qu’il nous va falloir réagir un peu et à prier nos secrétaires de se tenir à leurs places. Causé longuement avec M. Beauvais.

Vu ensuite le Procureur à ce sujet qui a abondé dans mon sens. Ensuite bavardé avec lui et échangé nos idées et opinions sur diverses individualités rémoises, nous étions du même avis. Tous auront fait leur devoir, sauf la riche bourgeoisie, dont les éphèbes ont troqué leur épée pour une seringue !! Il me disait aussi son étonnement de la peur manifestée parmi les fonctionnaires officiers ministériels et autres, surtout de la part de ceux qui auparavant le prenait de très-haut et n’avaient à la bouche que de grands mots : honneur, devoir, bravoure, etc…  Il regrette que Duval ne fût pas resté, car il l’avait fait nommer juge suppléant à Reims au Tribunal civil !…  Il le regrettait en me disant cela. Bref charmante parlotte avec lui. C’est malheureux que les juges soient si acharnés contre lui !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Paul Hess

27 septembre 1915  Quelques obus sur le faubourg Cérès. Départs des grosses pièces.

Confirmation des bonnes nouvelles données hier par le com­muniqué, qui indique aujourd’hui 20000 prisonniers et vingt-quatre canons pris.

Dans Le Courrier, nous remarquons cette insertion :

En cas de bombardement – Arrêté.

Art. 1Par ordre de l’autorité militaire, il est prescrit aux habitants de laisser ouverts, en cas de bombardement, les couloirs de leurs maisons, de façon que les personnes qui se trouvent dans les rues puissent trouver un abri en cas de dan­ger.

Art. 2Tous les agents de la force publique sont chargés de l’exécution du présent arrêté.

Le Général commandant d’armes.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Lundi 27 – Nuit tranquille, sauf gros coups de canonnade lointaine jus­qu’à je ne sais quelle heure (au moins 2 h.). Nuit active au loin et gros coups de canons (peut-être bombes sur les batteries) en ville. On annonce la prise de 70 canons et de 20.000 prisonniers (1).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

(1) Au 7 octobre le bilan sera de 25000 prisonniers et de 150 canons capturés, ce qui montre l’excellence des renseignements du Cardinal, mais témoigne aussi de l’insuccès final de l’offensive française.


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Juliette Breyer

Lundi 27 Septembre 1915. Si tu entendais mon Charles, quel vacarme ! Ce sont nos grosses pièces qui tirent. Ils envoient quelque chose aux boches ! Mais cela nous étreint le cœur. Les nôtres progressent. Ils ont avancé un peu partout, notamment sur Berry au Bac. La canonnade se rapproche de Reims ; ce sera sans doute bientôt à notre tour. Cela me rend l’espoir de te revoir bientôt.

Ainsi hier nous leur avons pris 70 canons et fait sur tout le front une vingtaine de milliers de prisonniers, aujourd’hui 18 canons et 32 mitrailleuses. Mais ce qui me fait trembler aussi, c’est que nos avions vont bombarder les villes allemandes. Ces jours-ci ils ont bombardé Stuttgart et ils doivent continuer. J’ai encore peur que tu ne sois atteint par les nôtres.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne


Lundi 27 septembre

Notre offensive est couronnée de succès dans deux importants secteurs du front. Au nord d’Arras, nous avons occupé tout le village de Souchez et avancé vers l’est dans la direction de Givenchy. Plus au sud, nous approchons de Thélus. Nous avons capturé un millier d’hommes.
En champagne, nous avons progressé de 1 à 4 kilomètres sur un front de 25, entre Auberive et Ville-sur-Tourbe. Nous sommes sur la route de Souains à Somme-Py et sur celle de Souains à Tahure. Les pertes de l’ennemi sont très importantes. Vingt-quatre canons de campagne sont tombés entre nos mains. Depuis deux jours, nous avons fait 23000 prisonniers valides.
Les Belges on forcé les Allemands à évacuer 200 mètres de tranchées sur l’Yser.
Les Anglais ont attaqué au sud du canal de la Bassée. Sur un front de 8 kilomètres, ils ont pénétré dans les retranchements ennemis jusqu’à une profondeur de 4 kilomètres parfois. Ils ont gagné 600 mètres de tranchées au sud de la route de Hooge et fait 1700 prisonniers.
Les Russes ont repoussé les Allemands devant Dwinsk avec des pertes énormes et poursuivi leurs avantages en Galicie et en Volhynie. On annonce que l’amirauté de Berlin rappelle ses grands navires de la Baltique par crainte des sous-marins russes et anglais.
La Bulgarie multiplie les notes aux puissances en prétendant qu’elle se borne à as
surer sa défensive.

Source : la Grande Guerre au jour le jour