Paul Hess

Journée assez calme

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Jeudi 29 – Visite à M le chanoine Colas : des éclats d’obus avaient pénétré dans son oreiller, à M. le Curé Landieux, rue des Anglais, rue des Fusiliers, à la Maison Meltat incendiée (incendie maîtrisé) ; j’étais la nuit, à minuit dans notre jardin, le vidoir à la main, pour lancer de l’eau sur le toit, si le feu avait approché de nous. M. Bellandet était de même dans la chambre de Mgr Neveux. Nous n’avons eu aucun dommage.

Visite des Généraux Achte et Rouquerol, avec deux capitaines. C’est le lieutenant de Bernis qui a capturé les aviateurs allemands.

Visite à la Visitation, à l’Espérance.

Visite à une petite blessée civile par une bombe ( ?) lors du dernier bombardement de mercredi à jeudi. Un capitaine d’artillerie et une jeune fille tués. Caves de l’Espérance : nous nous y sommes réfugiés pendant un bombardement qui nous surprit chez elles entre 3 heures et 6 h du soir.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Rue des Anglais
Rue des Anglais

Hortense Juliette Breyer

Jeudi 29 Avril 1915.

Oh mon Charles, quels bombardements depuis plusieurs jours ! Mais aujourd’hui c’est pire. On attribue cela à la perte de trois de leurs aéros que le nôtres auraient fait tomber. Alors ils se vengent. Je te dirai que ce matin ils ont commencé à six heures et à onze heures je faisais manger la petite dans la cour quand il en est arrivé une qui a heureusement éclaté en l’air. Quelques chiques sont tombées autour de moi et la petite ayant crié, j’ai cru un instant qu’elle était touchée. Mais il n’en était rien.

L’après-midi cette fois ils ont repris et à six heures et demie, si tu avais entendu les nôtres et les leurs, cela faisait un vacarme assourdissant. On dit même que les nôtres viennent de reprendre Beine. Enfin pour le moment ils sont tranquilles.

Je vais me coucher. Bonne nuit. Je t’aime …

Mon Charles, je n’ai pas dormi longtemps. J’étais à peine couchée, quand j’entendis quelques sifflements. Mais je m’endormis quand même. Pas longtemps, car il était 10 heures quand je fus réveillée par un bruit formidable. Il venait d’en tomber une tout près. Au même instant j’entendis Maria qui descendait ainsi que le parrain. Je sautai au bas du lit, je m’habillai et je descendis près d’eux. Si tu avais entendu ! Tous leurs canons tiraient ensemble furieusement, sans tir précis, dans toutes les directions de la ville. Nous en comptons facilement 4 à la minute. Cela dura jusqu’à 11 heures et c’est pourquoi avant de me recoucher, je veux t’écrire un peu. J’ai la tête en feu et je crois que mon sommeil est perdu pour le restant de la nuit.

Tiens, je n’ai pas pensé de te dire que dimanche dernier un éclat est tombé chez tes parents dans le grenier, mais ça n’a cassé que quelques tuiles, heureusement.

Je te quitte encore une fois. Je t’envoie de loin tout mon cœur. Je t’aime toujours. Ta Juliette.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne


Beine-Noroy
Beine-Noroy
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Renée Muller

28 29 30 toujours la même chose

Renée Muller dans Journal de guerre d'une jeune fille, 1914

Voir la suite sur le blog : Activités de Francette: 1915 : janvier à juillet : 2e carnet de guerre de Renée MULLER

Jeudi 29 avril

Notre progression s’est poursuivie au nord d’Ypres et particulièrement à notre gauche. Nous avons pris des mitrailleuses, des lance-bombes et fait plusieurs centaines de prisonniers. Les pertes ennemies sont extrêmement élevées. En Champagne, les Allemands nous ont enlevé près de 300 mètres de tranchées avancées près de Beauséjour: nous en avons repris la moitié. En Argonne, à Marie-Thérèse, nous enrayons une tentative d’attaque. Sur les Hauts-de-Meuse, près des Eparges, nous avons gagné un kilomètre, infligé de fortes pertes à nos adversaires et détruit une batterie d’artillerie. Canonnade, mais sans attaque d’infanterie, à l’Hartmannswillerkopf.
Cent-trente-six hommes du Léon-Gambetta ont été sauvés, grâce à la coopération des autorités navales italiennes.
La bataille continue dans les Carpates sans que la décision soit encore en vue, mais les Austro-allemands se heurtent à un mur.
Notre action aérienne s’est fortement développée. Nos avions ont lancé 27 obus sur la gare de Bollwiller (près de Guebwiller, voie ferrée de Strasbourg à Mulhouse): 60 sur la gare de Chambley et sur celle d’Arnaville (à proximité de Metz); 6 sur les hangars des zeppelins à Friedrischafen (lac de Constance); 21 sur l’usine de Léopoldshoelle (duché de Bade). Nous avons abattu quatre avions ennemis.

Source : la Grande Guerre au jour le jour