Armand nous a signalé cet article, merci à lui

30/4/2014 ; Journal L’Union

Rémois de naissance et Picard d’adoption, cet étudiant qui se destine à être praticien militaire explique son rappel sous les drapeaux et les étapes de sa mobilisation.

Avant de rejoindre la zone des combats, il y a tout un tas d’étapes à franchir que le jeune santard résume à merveille.

Le père de Lucien Laby a été pharmacien rue de Cernay à Reims, adjoint au maire avant de quitter la Marne pour s’installer à Lignières dans la Somme. C’est dans ce village picard que Lucien, 22 ans, est réveillé le mercredi 29 juillet 1914 à 5 heures par un télégraphiste qui lui remet un télégramme du directeur de l’École du service de santé des armées de Lyon où il achève sa scolarité. Il est rappelé. À force de vouloir dire au revoir à tous les gens qu’il connaît, il rate son premier train à Amiens mais prend le suivant et, après 11 heures de voyage arrive dans le Rhône. Le jeudi 30 juillet, les nouvelles ne sont pas bonnes mais les militaires du service de santé ne sont pas consignés si bien que Lucien Laby se promène sur la célèbre place Bellecour. Le lendemain alors que les rumeurs de guerre sont de plus en plus répétées, une certaine fébrilité gagne enfin l’École. « L’après-midi on fait de la manœuvre du brancard. Mais là ; on s’amuse franchement : les blessés volontaires en voient de cruelles. Popol avait demandé à venir avec moi au camp de Châlons. C’est refusé. Je reste à Lyon. Le samedi 1er août 1914, les préparatifs s’accélèrent, une dernière balade dans le centre-ville jusqu’à ce qu’un vieux monsieur l’aborde et lui dise que la mobilisation générale est décrétée. »

Lucien Laby dessine l'un des postes de secours où il a porté les premiers soins aux blessés du front
Lucien Laby dessine l’un des postes de secours où il a porté les premiers soins aux blessés du front

Curieuse euphorie

Lucien Laby observe alors l’enthousiasme des gens alors que les soldats partent au combat : « Des gens nous serrent la main et crient : vive l’armée. » À l’École la gravité est désormais de mise : « Après dîner, adieux très touchants de notre directeur Hassler, dans le grand amphi. Tous nous crions vive la France. Émotion générale. Combien d’entre nous vont rester sur le terrain ! » Puis le jeune médecin auxiliaire et son ami Popol qui savent la mobilisation générale effective pour eux à minuit se rendent quelques minutes à l’église de la rue de Condé. Le dimanche 2 août, les jeunes médecins sont emmenés au fort Lamotte où on leur remet un revolver et dix-huit cartouches : « On s’en servira. On va à un petit bout de messe et tout le monde touche ensuite son livret et sa médaille d’identité. »

Il touche sa feuille et sait qu’il part bien pour le camp de Châlons. Le lundi, le voyage exige à six reprises un changement de train. Les treize Santards, élèves de l’École de santé forment le 6e corps. « Nous déjeunons à Langres, à Chaumont et dînons à Vitry-le-François. Nous voyageons en première, deuxième, troisième ; de Vitry-le-François à Châlons-sur-Marne nous sommes dans un wagon à bestiaux. » Enfin le mardi 4 août à 11 heures, Laby est au camp de Châlons. « Nous apprenons que la Guerre est déclarée. Nous déjeunons à la gamelle. Le soir les officiers nous disent d’aller au mess avec eux. Nous logeons dans un pavillon d’officiers, mais sur la terre battue, n’ayant qu’une paillasse et une couverture. On dort comme des princes ! » Le mercredi 5 août 1914, Laby apprend son affectation à la 56e division d’infanterie de réserve, au groupe de brancardiers divisionnaires : « C’est un poste d’honneur : nous irons ramasser les blessés sur le champ de bataille. Sommes autorisés, les deux lieutenants d’administration Arreteig et Demarre et moi à aller à Reims jusqu’à demain à 11 heures. »

Prêts pour le front

Il confie qu’il déjeune alors chez sa tante Jeanne puis le soir toujours dans la famille et l’on ne s’en fait guère : « Tous pompettes ! Retour à 2 heures du matin : on fait pipi au milieu de la place Royale. Quelle bonne soirée. Est-ce la dernière ? » Le jeudi 6 août, les choses sérieuses reprennent, avec l’arrivée de deux bleus de l’École puis le vendredi alors qu’il pleut, le personnel reçoit son équipement : « Nous passons la journée à habiller nos cent vingt brancardiers. » Le samedi 8 août il n’y a aucune certitude sur un départ pour le front. On parle du lendemain. Les informations sont imprécises et déformées par une curieuse euphorie collective : « Il paraît qu’on se bat sérieusement en Belgique. On aurait repoussé partout les Prussiens à la frontière. »

Laby sait qu’on colporte tout et n’importe quoi mais il assure : « Je pense qu’ils prendront la pile. » Les préparatifs du départ s’achèvent avec le lieutenant Beaufay d’Asfeld (Ardennes). « Notre ordre est de partir le douzième jour à 8 h 27. Durée du voyage : douze heures. But : environs de Verdun. » Alors que le médecin auxiliaire s’impatiente il note : « Le drapeau français flotte sur Mulhouse. Général d’Amade occupe la ville. Du153e de ligne, il ne reste que trois cents hommes. Le 8e chasseur à pied a perdu plus de 80 % de son effectif. Vingt-cinq drapeaux pris, cent vingt canons, cinquante-deux mille Allemands hors de combat et quinze mille Français. »

Cette semaine, la minute d’Hervé Chabaud est consacrée au lieutenant rémois Henri Herduin, fusillé lors de la Bataille de Verdun par ordre de l’Etat-major français pour avoir du fuir après des bombardements nourris des Allemands.